Opinion

Bénévole, pas facile !

le jeudi 25 mai 2017
Modifié à 0 h 00 min le 25 mai 2017

Au moment où les villes sont interpellées pour mettre en commun leurs ressources afin de venir en aide aux sinistrés des inondations des dernières semaines, et où l’entraide et le soutien aux proches affligés sont à leur maximum, on doit se rappeler que tous ces élans sont tout de même conditionnels. Étrange que le cœur et la raison se complètent de manière aussi imprévue tout de même.

Bénévoles recherchés, mais illégal dans les écoles quelquefois

Les personnes, québécoises ou autres, et peu importe leurs origines, s’engagent bénévolement dans un projet, dans une cause, et la soutiennent par des gestes personnels pour diverses raisons. Elles s’engagent lorsqu’elles sont interpellées directement par l’impact sur elles-mêmes ou sur un proche, par la perception d’injustice ou de nécessité supérieure qu’elles perçoivent, ou encore parce qu’elles ressentent que leur contribution pourra produire des résultats concrets et immédiats.

Ainsi, il est facile de comprendre que des parents, rassemblés occasionnellement autour du Comité d’école, d’un Comité de parents ou simplement parce que leurs enfants partagent la même école, ou la même classe, parce qu’ils vivent dans la même rue, ou parce qu’ils sentent que le bien-être ou le confort de leurs proches est menacé, se rassemblent et posent des gestes «solidaires» et «solidairement».

Mais voilà que le vivre-ensemble nous rattrape et que ce n’est pas si facile que ça finalement!

Tout à coup, on réalise que ce geste naturel, sain, essentiel et souvent providentiel visant des résultats localisés et immédiats, et en toute ignorance de cause et d’enjeux plus larges, peut affecter des groupes, des corporations, des groupes d’intérêt, professionnels, financiers, économiques, politiques…. Des groupes qui voient dans ce bénévolat et dans cet engagement une menace déstabilisatrice d’un certain équilibre en place.

Est-ce un fait québécois, par ailleurs souvent comparé défavorablement au reste du Canada quant à ses indicateurs de dons d’argent, de temps et d’engagement, que d’interdire, et de devoir légaliser l’engagement personnel parce qu’il contrevient à des équilibres sociaux et économiques?

L’État est irrémédiablement concerné, depuis les années 60, dans la reconnaissance, dans l’encouragement ou à l’inverse, dans la délimitation des gestes d’engagement des individus à l’égard de leurs collectivités et de ses multiples enjeux.

Ironiquement, le gouvernement du Québec a rendu publique le 5 décembre 2016 la Stratégie gouvernementale en action bénévole justement nommée: L’action bénévole, un geste libre et engagé.

Même sous la forme du bénévolat, les gestes volontaires et gratuits ne sont pas tous bienvenus. Des contraintes existent, des territoires sont occupés et des pratiques sont protégées. Depuis plusieurs décennies, la société ne peut plus compter uniquement sur le bénévolat pour s’organiser. Sont donc apparus des mécanismes plus formels de production des services et des biens, et ces formes se sont institutionnalisées, rendant ainsi étrangement caduques les formes naturelles de l’engagement et de l’implication.

Et voilà qu’après l’avoir évincé de la sphère des pratiques, devenues professionnelles, il aura tout de même fallu réglementer, le 26 avril dernier, par le Projet de règlement concernant les travaux bénévoles de construction, le bénévolat et l’engagement!

Jean M. Gagné, président et chef de la direction

Institut Mallet

L’Institut Mallet pour l’avancement de la culture philanthropique a été mis en place pour faire en sorte que nous puissions, ensemble, mieux comprendre pourquoi il est si difficile, et statistiquement plus rare, de compter sur l’engagement philanthropique des Québécois. Toutes les personnes intéressées par le sujet sont invitées à poursuivre la réflexion lors du Sommet 2017 sur la culture philanthropique (www.sommet2017.org).