Opinion

Billet d'humeur : Dégoût

le mercredi 17 janvier 2018
Modifié à 11 h 40 min le 17 janvier 2018
Par Hélène Gingras

helene_gingras@gravitemedia.com

Qu'est-ce qui vous donne mal au cœur? 

Je rigole toujours un peu quand quelqu’un raconte qu'il se lève le cœur en se brossant les dents. Un coup de brosse dans le fond de la gorge et hop! un haut-le-coeur. Sans le vouloir. Tous les jours. 

Certaines personnes vivent pareille situation au moment de changer une couche. Ou de vérifier si le lait est passé date. D'ouvrir un vieux pot de yogourt.

De façon générale, je n'ai pas hérité de la sensibilité de ma mère à ce sujet. Il m’en faut pas mal pour avoir envie de vomir. Ainsi, c'est souvent avec amusement que je fais le ménage du frigo au bureau. Et que j'observe le changement apporté par le temps à certains aliments. Dans certains plats. 

Je trouve qu'il y a une forme d'art incomparable dans le fait qu'un fruit change complètement d'aspect. De texture. De couleur. Je suis souvent fascinée. Plutôt que dégoûtée.

Une fois, je me souviens que Valérie et son <@Ri>chum<@$p> avaient trouvé un aliment métamorphosé par le temps dans leur garde-manger. Ils n'ont jamais pu l’identifier formellement. Tant il était si transformé. Méconnaissable. J'ai toujours pensé qu'il s'agissait d'une épice quelconque à l'état brut qu’ils avaient reçus en cadeau. 

Néanmoins, on finit tous par frapper son Waterloo. Atteindre son point de non-retour. Pour ma part, ce fût à l'Île-Bonaventure, en Gaspésie. Il y a bien des années.

J'avais imaginé la scène bucolique plus de 100 fois dans ma tête. Je rêvais depuis un moment d'aller photographier les milliers de fous de Bassan qui se retrouvent dans ce refuge migrateur. On était en été. J'avais acheté un film de 36 poses. (C'est dire comment ça fait longtemps!). J'avais soigneusement préparé mon sac à dos, y glissant des objectifs de gros plans pour ma caméra. 

Je rêvais de prendre les oiseaux sous toutes leurs coutures. De passer une partie de l’après-midi à les photographier. J'avais seulement omis un élément. Le fait que si on compte autant d'oiseaux en un seul endroit, il faut aussi multiplier à l'infini les fientes qu'ils génèrent. Et l’odeur qui s’en dégage. 

«Le vent n’a pas d’odeur… Il en apporte, éventuellement.» -Philippe Geluck dans Le chat est content

Après quelques instants, c’était vite devenu insupportable. J'avais pris des clichés à la hâte. Sans apprécier le moment.

L'odeur était si poignante qu'elle m'était restée dans le nez longtemps pendant que je marchais sur le sentier du retour. Seulement d'y penser j'en ai les narines incommodées encore aujourd'hui.