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Dénonciations d’actes sexuels: les organismes d’aide sont heureux que le silence se brise

le jeudi 19 octobre 2017
Modifié à 14 h 48 min le 19 octobre 2017
Par Joëlle Bergeron

joelle_bergeron@gravitemedia.com

Le téléphone du Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) à Châteauguay ne dérougit pas et les demandes d’aide ont doublé depuis deux ans. L’organisme qui couvre les territoires des MRC de Roussillon, des Jardins-de-Napierville et de Beauharnois-Salaberry est d’avis que la vague de dénonciations enclenchée par le mot-clic #AgressionNonDénoncée en 2014 n’est pas étrangère à cet éveil. «Depuis, on a vu l’avènement de divers mouvements de dénonciations sur les réseaux sociaux, avec ensuite #OnVousCroit et maintenant #MoiAussi, énumère Jade Mathieu, intervenante sociale au CALACS. Il est difficile déterminer si ce sont ces mouvements qui ont fait augmenter nos statistiques, mais on sent que ça sème quelque chose et que ça éveille des consciences.» Depuis cinq ans, les dénonciations d’agressions ou de harcèlement sexuels rapportés dans les médias s’accumulent. On pense à l’affaire concernant l’animateur Jian Gomeshi, à Marcel Aubut, au député Gerry Sklavounos, et plus récemment, aux allégations touchant l’animateur Éric Salvail et Gilbert Rozon. «C’est sûr que la médiatisation de ces cas met en lumière l’omniprésence de la violence sexuelle, dit Mme Mathieu. Mais nous, ça fait 40 ans qu’on se bat pour que le système judiciaire soit mieux adapté aux victimes d’actes sexuels, que les organismes comme nous aient plus de moyens pour faire de la prévention dans les écoles, etc. Ce qui se passe n’est pas nouveau, mais avant c’était tabou et c’est bien qu’on se mette enfin à en parler.» #MoiAussi Dans la foulée de l’affaire du producteur américain Harvey Weinstein, le mot-clic #MeeToo, qui a été repris au Québec et traduit par #MoiAussi, a commencé a déferlé sur les réseaux sociaux, accompagné de témoignages. Le Comité logement Rive-Sud a pris part au mouvement en publiant un statut sur sa page Facebook, en guise de solidarité. «Dans le domaine du logement, nous avons entendu trop souvent des témoignages [d’abus] lors d'événements comme la caravane du FRAPRU en 2012 et la tournée pour le droit au logement du FRAPRU en 2017. Le Comité logement remercie le courage de toutes ces femmes qui ont décidé de prendre la parole», a écrit l’organisme le mardi 17 octobre. Interrogé par Le Reflet, l’organisateur communautaire qui s’occupe de la défense des droits des locataires, Stéphane Moreau, estime que les victimes ont besoin de se sentir appuyées. «On a déjà entendu ça des femmes qui peinent à payer leur loyer, qui demandent aux propriétaires de prendre des arrangements et qui se font proposer de donner des faveurs sexuelles pour compenser», raconte M. Moreau. Par crainte de perdre leurs logements, les femmes n’osent pas dénoncer. Le Comité logement Rive-Sud croit qu’il faut briser le silence, et ce, dans toutes les sphères possibles. Remises en questions Du côté de l’organisme l’Éclaircie à Sainte-Catherine, l’intervenante Wendy Rivard explique qu’il est souvent difficile pour les victimes de dénoncer, puisque leur témoignage est constamment remis en question. «Si un homme commet un vol dans un dépanneur, on ne demandera pas au caissier ce qu’il a fait ou ce qu’il portait parce qu’on sait que le vol, c’est mal, image-t-elle. Mais quand une femme dénonce une agression, on va lui demander ce qu’elle portait et si elle avait bu parce qu’il y a un flou au niveau de la notion de consentement, alors que non, c’est non.» Le processus pour obtenir réparation est long et parfois, ne mène pas au résultat souhaité, ajoute-t-elle, ce qui en rebute plus d’une. Pour obtenir de l’aide, il est possible de signaler le 450-699-8258. Il existe aussi une ligne d’écoute sans frais, 24h/7 pour les victimes d’agressions sexuelles: 1-888-933-9007.