Opinion

J'aime attendre

le mercredi 01 février 2017
Modifié à 0 h 00 min le 01 février 2017
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Voici le billet du 1er février 2017 d'Hélène Gingras

Êtes-vous bon pour attendre?

J'ai eu mon premier équipement de ski alpin à l'adolescence. Après avoir été initiée au sport pendant une classe neige au secondaire. C'était au Mont Blanc. Dans les Laurentides. J'ai tout de suite eu la piqûre.

À mon retour, j'ai talonné mes parents pour qu'ils m'achètent des bottes et des skis. À force d'insister (je ne vois pas autrement!), ma mère avait fini par céder. Et me prêter l'argent pour que je me procure un équipement à une vente estivale de liquidation d'inventaire. Chez Bernard Trottier sports à Greenfield Park.

M'équiper m'avait coûté exactement 240$. La plus importante dette que je n'avais jamais eue...

Ma mère avait mis une condition: il n'était pas question que je fasse une seule descente avant d'avoir remboursé mon dû.

Cet été-là, je ne compte plus le nombre de fois où, en proie à une excitation, je suis descendue dans le sous-sol familial pour chausser mes bottes. Salomon blanches. Puis mes skis. Blanc et rouge. Enfiler mes lunettes de ski et ma tuque. Prendre mes bâtons. Pour simuler une descente. Un slalom à droite. À gauche.

Avant même la première tempête de neige, j'avais remboursé ma dette. Tant j'avais gardé des enfants. Et accumulé chaque dollar. Dans ce seul but.

Je n’oublierai jamais le plaisir que j’avais eu à attendre.

Je me souviens aussi de l'excitation que j’éprouvais avant Noël en feuilletant mille fois le catalogue de Distribution aux consommateurs. Ou celui de Sears. Pour baver d'envie sur des jouets. En espérant les voir apparaître emballés sous le sapin.

Parfois, nos rêves se concrétisaient. D’autres fois non. Mais le sentiment de fébrilité, de désir et d’espoir, lui, était bien réel. Vivant.

Parce que le plaisir vient avec l'attente. Le désir aussi. Et c’est ce qui manque cruellement aujourd'hui. Dans notre monde d'instantanéité. Et pas seulement au niveau matériel.

En silence, je plains parfois ma petite nièce qui ne connaîtra pas le bonheur- douleur d’attendre que son amoureux rentre d’une semaine dans le Sud pour avoir des nouvelles de lui. Pour savoir ce qu’il a visité. Et qu’il lui raconte tout en vrac. Tant les mots se bousculent quand on veut tout dire à quelqu’un qu’on aime qui nous a manqués. Avec les technologies (Skype, Facetime, les courriels), ils ne sont plus jamais séparés.