Opinion

La vie suspendue

le jeudi 22 septembre 2016
Modifié à 0 h 00 min le 22 septembre 2016
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Voici le billet du 21 septembre 2016 d'Hélène Gingras.

Est-ce qu’il vous arrive d’avoir tous vos sens aux aguets?

Le verdict est tombé au retour de mes vacances, il y a quelques semaines. Lundi, ma petite chatte qui avait pris la poudre d'escampette quelques jours avant mon anniversaire il y a un an, est malade. Cancer de l'estomac. Métastases dans les ganglions et dans les poumons. Rien à faire.

J'ai encaissé la nouvelle en pleurant. Évidemment. En l'espace de quelques mois, les deux chats qui meublaient ma vie depuis plus de dix ans m’auront quittée…

La vétérinaire ignore combien de temps il lui reste à vivre. Des semaines ou des mois. Si elle garde ses habitudes, m'a-t-elle dit, c'est qu'elle ne souffre pas. Je suis aux aguets plus que jamais. À la recherche du moindre changement de microcomportement…

Le choc passé, j'ai fait de la négation par moments. Niant la maladie. Espérant un miracle. Un mauvais diagnostic. Lundi m'encourageait. Continuait à miauler. À réclamer que je la sorte dans la cour. Et jouait encore avec moi pendant que je me brossais les dents, le matin. Comme d’habitude.

Néanmoins, je vois bien que la maladie la gruge lentement. Que de subtils changements s'opèrent. Qu’elle a encore de bons moments. Mais qu’ils sont moins nombreux. Qu’elle perd beaucoup de poil. Qu’elle met parfois un peu plus de temps à se déplacer. Que son appétit décline. Elle si gourmande qu'il fallait la rationner chaque jour pour ne pas qu'elle vide nos assiettes aussi…

J'en suis à gérer au jour le jour avec elle. À me lever la nuit lorsqu'elle tourne autour de ma tête. Réclamant de la nourriture. Même s'il en reste dans son bol...

Tout en jonglant avec ma culpabilité et mon impuissance. Ma culpabilité de la garder en vie alors qu'elle est condamnée. Sinon celle de l'euthanasier avant son temps. Parce qu’elle tourne encore aussitôt la tête en ma direction quand je l'appelle. Avec ses grands yeux jaunes. Qu'elle accourt sans hésiter chaque fois dès que j'ouvre une boîte de nourriture. Qu’elle bâille comme si elle avait toute la vie devant elle…

Aux prises avec mon impuissance de ne pouvoir rien faire. Autre que d’en prendre soin du mieux que je peux. Et de la voir dépérir. Malgré tout. Jusqu'à son heure.

On parle ici d'un chat, je n'ose penser à ce que vivent les gens qui accompagnent un proche en phase terminale…