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Les policiers formés pour tirer le haut du corps

le vendredi 08 janvier 2016
Modifié à 0 h 00 min le 08 janvier 2016
Par Joëlle Bergeron

joelle_bergeron@gravitemedia.com

Si un policier sort son arme, c’est que sa vie ou celle de quelqu’un est menacée. Dans une telle situation où le taux de stress est extrême, demander à un agent de viser un point précis comme un bras ou une jambe relève de l’utopie, selon d’ex-policiers de la Régie intermunicipale de police Roussillon.

«Un cowboy qui tire sur un 0,25 cent dans les airs, tu vois ça juste à la télévision», soutien Michel Poirier, en fonction de 1972 à 2005.

Après le drame familial survenu à Saint-Constant, plusieurs personnes se sont interrogées sur l’intervention qui s’est soldée par la mort d’un adolescent tiré par la police. «N’auraient-ils pas pu tirer dans la jambe?», est une question qui est revenue à maintes reprises sur les réseaux sociaux.

Sans vouloir commenter ce cas précis, les deux hommes à la retraite interviewés par Le Reflet répondent qu’il n’est pas réaliste d’avoir de telles attentes envers les policiers.

«Si un individu est armé et refuse de se départir de son arme, l’objectif du policier est d’infliger une blessure suffisante à l’assaillant pour le stopper dans son mouvement. Le meilleur moyen pour ça est de viser à l’endroit où la surface est la plus grande, soit le centre-masse», explique M. Poirier, qui a été moniteur de tir à l’École nationale de police du Québec.

«Les agents n’ont souvent qu’une fraction de seconde pour prendre des décisions vitales, alors que ceux qui sont ensuite chargés d’analyser l’événement prennent des mois pour déterminer si l’action était la bonne, affirme René Fleury qui a accroché son badge en 2012. Le policier ne peut pas prendre le risque de manquer sa chance, sinon, c’est lui qui y passe.»

La règle du 21 pieds

Aux dires des deux retraités, la distance minimale de sécurité pour un agent menacé d’un couteau est de 21 pieds ou un peu plus de six mètres.

«À cette distance ou plus loin, un policier a le temps de sortir son arme et tirer si le gars court vers lui, atteste M. Fleury. Plus près que ça, un policier qui a les mains ailleurs que sur son fusil se fait piquer et la veste par balle ne protège pas contre ça.»

Dans le cas de l’arme à impulsion (taser gun) – outil que la Régie intermunicipale de Roussillon ne possède pas –, les cartouches vont à sept ou 21 pieds.

«Les deux pointes doivent toucher la personne pour qu’il y ait une décharge électrique, explique M. Fleury. Si une des deux pointes ne touche pas la personne, il n’y a pas d’effet et tu es foutu.»

Selon MM. Fleury et Poirier, l’arme à impulsion a ses limites et n’est pas une panacée.

 

6 degrés d’utilisation de la force

René Fleury, ex-policier, explique l’échelle des degrés de force qui sont enseignés aux étudiants.

-La présence policière

«Pour certaines personnes, la vue d’une voiture de police ou des sirènes est suffisante pour calmer leurs ardeurs.»

-Approcher les gens

«Le policier débarque de la voiture et discute. Si tout le monde coopère, l’intervention peut se conclure rapidement.» 

-Utilisation minimale de gestes

«Des fois, seulement une main sur l’épaule ou sur le bras fait réaliser à la personne qu’elle va trop loin et qu’elle doit se calmer, mais ça dépend des tempéraments et du contexte.»  

-Un peu plus d’insistance physique

«Si l’individu est agressif, mais qu’il n’est pas armé, une clé de bras, un contrôle articulaire, une ou autre technique, peut être suffisante pour le neutraliser.» 

-Utilisation d’armes intermédiaires (poivre de Cayenne, matraque, bâton télescopique, taser gun, etc.)

«Le temps de réaction au poivre de Cayenne est de trois secondes et ça ne fonctionne pas toujours sur les personnes intoxiquées. Le taser gun n’est pas facile à utiliser et certaines critiques ont été émises à son endroit parce que la décharge peut être suffisante pour tuer quelqu’un avec un problème cardiaque.» 

-Arme à feu

«C’est vraiment le dernier recours, mais si quelqu’un pointe une arme sur un policier, le policier va dégainer et essayer de faire entendre raison à l’autre pour qu’il dépose la sienne.»