Actualités
Société

Oui à la séduction, mais dans le respect

le mercredi 14 février 2018
Modifié à 11 h 13 min le 14 février 2018
Par Joëlle Bergeron

joelle_bergeron@gravitemedia.com

Le mouvement #MoiAussi a suscité beaucoup de réflexions et de questionnements. Comme les dénonciations sont majoritairement venues de la bouche des femmes, certains hommes se demandent maintenant comment séduire. En cette journée de l’amour, Le Reflet s’est entretenu avec la sexologue Véronique Boisvert pour permettre à tous les cupidons de charmer avec les bonnes flèches. Pouvez-vous, comme sexologue, définir les termes «séduction» et «harcèlement» ? «Dans le flirt, on manifeste notre intérêt à l’autre d’une façon respectueuse. C’est sûr qu’on est aussi dans une zone grise et qu’il y a du cas par cas, mais c’est clair que le toucher sans consentement, ça ne passe pas. Une ligne qui est claire, c’est que si je reçois un «non», un «désolé je ne suis pas intéressé» ou un «s’il te plaît j’aimerais que tu arrêtes», le sentiment a été nommé, donc, il n’y a plus de doute. Après, ça devient de l’acharnement et on balance dans ce qui devient agressant pour l’autre personne. Il faut également écouter le non verbal parce que le corps parle lui aussi (la fermeture, le visage crispé, le malaise, etc.). Et c’est valable autant pour les hommes que pour les femmes. Certaines femmes vont dépasser la limite des hommes et ce n’est pas plus acceptable. C’est donc surtout le respect des limites qui va faire la différence. Ceux qui s’inquiètent souvent n’ont pas à s’inquiéter. S’ils se posent des questions, c’est qu’ils ont le souci de l’autre.» Mais, se poser la question, ce n’est pas un peu y répondre? Si on se demande s’il y a un malaise, ce n’est pas parce que, justement, il y en a un ? «Je vais faire un parallèle avec quelque chose que je vois et que je travaille en thérapie. Une personne qui ne s’exprime jamais et qui doit apprendre l’affirmation de soi va souvent tomber dans l’extrême. Tout à coup, elle va trop s’affirmer et ça va devenir dérangeant pour les gens. J’ai l’impression que c’est un peu ça qui se passe. On va dans l’extrême de tout requestionner pour éventuellement revenir au milieu du balancier. On voit ça dans tous les mouvements. Mais c’est intéressant la réflexion que cela apporte; on ne veut plus que cela balance du côté des agressions, mais il ne faut pas tout prendre pour une agression non plus. Chacun a sa ligne, sa bulle. Certains ont la bulle extrêmement large et ça va leur en prendre peu pour se sentir agressé, alors que d’autres ont une plus grande tolérance à la proximité et aux blagues salaces ou à connotation sexuelle. Il ne faut pas tout mélanger et c’est ce qui n’est pas évident en ce moment.» Le mouvement #MoiAussi a-t-il eu un effet refroidissant sur les hommes? L’avez-vous ressentie dans votre pratique ? «Je n’ai pas vu ça dans ma pratique, mais j’entends la crainte. Les hommes ne souhaitent pas agresser, mais ont peur que leur geste soit interprété comme tel. Il peut donc y avoir une retenue. C’est là où il faut se rappeler qu’il y a une différence entre la séduction et l’agression. Il ne faut pas mélanger les deux et je pense que c’est là que les gens se perdent un peu. [caption id="attachment_37622" align="alignright" width="521"] La clé de la séduction réside dans le respect de la limite de l’autre, selon la sexologue Véronique Boisvert. Crédit photo: gracieuseté - Bodoüm Photographie[/caption] Il y encore moyen de manifester son intérêt, de séduire. Ce ne sera pas qu’aux femmes à faire les premiers pas, les hommes pourront continuer à le faire. Dans le fond, il faut toujours garder en tête le respect de la limite de l’autre.» La séduction en milieu de travail est-elle déconseillée ? «On devrait éviter la séduction lorsqu’il y a un enjeu hiérarchique. En thérapie, on a un ordre professionnel; je n’ai pas le droit de sortir avec un patient parce qu’il y a une vulnérabilité d’exprimée. C’est un peu la même chose entre un patron et un employé où il y a un enjeu de pouvoir. La personne n’osera peut-être pas mettre une limite par peur de représailles (perte d’emploi, climat néfaste, etc.) La plupart des entreprises ont déjà un règlement sur cet aspect pour éviter les dérapages. Oui, il existe des relations saines, mais on doit s’assurer que c’est l’amour qui est en jeu et que les deux personnes sont là-dedans de leur plein gré.»