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Une autre atteinte à la protection des milieux humides, déplore un organisme

le mardi 07 septembre 2021
Modifié à 16 h 06 min le 07 septembre 2021
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Le boisé Du Tremblay, à Longueuil (Photo: Le Courrier du Sud - Archives)

Québec entend assouplir son Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques, en exemptant notamment les acériculteurs et agriculteurs de certaines exigences pour l’exécution de travaux dans ces zones. Tommy Montpetit, directeur de la conservation chez Ciel et Terre, ne peut que se décourager de cette «affaiblissement d’une loi déjà faiblarde».

«Déjà, la Loi sur l’environnement n’avait aucune dent. Tout allègement de la protection des milieux humides ne fait que l’affaiblir davantage», se désole-t-il.

Selon la Loi sur la qualité de l’environnement, les travaux ou autres interventions réalisés dans les milieux humides et hydriques doivent obtenir une autorisation ministérielle, qui est – la majorité du temps – conditionnelle au paiement d’une contribution financière.

Le projet de règlement, présenté dans la Gazette officielle du Québec le 7 juillet, prévoit entre autres de soustraire certaines activités au paiement de cette contribution financière pour compenser l’atteinte à un milieu humide.
Concrètement, cela signifie notamment que les acériculteurs seront dispensés de ces exigences pour l’aménagement de stations de pompage dans un milieu humide.

Le projet de règlement permettrait également aux agriculteurs de payer en travaux de restauration ou de création de milieux humides, plutôt que par une compensation financière, s’ils souhaitent agrandir une terre dans un milieu boisé.
La modification, qui répond à des demandes d’intervenants municipaux et agricoles, touche également les travaux en forêt.

Selon le ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques, cette modification vise à «établir un plus juste prix pour contrebalancer les pertes de milieux humides ou hydriques», indique-t-il dans un communiqué.
«Il permet de prendre davantage en compte l’abondance et la sensibilité des milieux humides et hydriques du territoire visé, en considérant davantage les particularités géographiques régionales», détaille-t-il aussi.

Question de survie

Selon Tommy Montpetit, cela n’a aucun sens que l’on «affaiblisse la loi pour satisfaire les acériculteurs et agriculteurs. Ce sont eux qui sont les plus grands destructeurs de milieux humides.»

Le directeur de conservation se dit néanmoins conscient des défis auxquels font face ces deux milieux. «Je ne leur en veux pas : c’est leur gagne-pain. Ils le disent, ces restrictions les empêchent de travailler. Et c’est très difficile pour eux, avec l’absence de relève, entre autres. Je les comprends, mais les milieux humides et les terres agricoles ne devraient pas être comparés», expose-t-il.

«La Loi sur les terres agricoles est beaucoup plus forte que la Loi sur l’environnement. Pourquoi [n’y a-t-il pas autant d’efforts] pour protéger les milieux humides? questionne-t-il. C’est une question de vie, de survie. Il faut protéger la biodiversité. On le voit, le ciel est une soupe à 40 degrés!»

M. Montpetit s’inquiète aussi de cette possibilité pour les acériculteurs et agriculteurs de compenser la destruction d’un milieu humide par la création ou la restauration d’un autre, alors que «les milieux humides dans le Grand Montréal disparaissent».

«Chez Ciel et Terre, on en a fait. Ça prend 15 ans pour savoir si ça va fonctionner. Mais [le Ministère] ne fait pas de vérifications sur le terrain. Ce n’est pas cynique, c’est vrai!»

Il déplore du même coup que l’on ignore où vont les fonds obtenus des compensations financières.

Selon le Ministère, ces compensations versées par des «initiateurs de projets qui n’ont pu éviter de porter atteinte à un milieu humide ou hydrique servent à la mise sur pied du Programme de restauration et de création de milieux humides et hydriques 2019-2022».

Ce programme, doté d’un budget de 30 M$, finance la réalisation d’études de préfaisabilité et la «réalisation concrète de projets de restauration et de création de milieux humides et hydriques fonctionnels et pérennes».