Opinion

Billet d'humeur : Aider le monde ordinaire

le mercredi 26 octobre 2022
Modifié à 8 h 23 min le 24 octobre 2022
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Dormir dans son automobile est un supplice pour l'homme de 59 ans. (Photo: Le Soleil - Jules Gauthier)

Vous arrive-t-il d’aider dans le cadre de votre travail?

Être journaliste, c’est être un peu idéaliste. C’est aussi avoir envie de faire une différence. D’influencer le cours des choses. De défendre la veuve et l’orphelin. D’être la voix des autres.

J’ai envie de vous raconter une anecdote vécue récemment par Jules, journaliste au Soleil de Châteauguay. Ça s’est passé la semaine dernière dans les bureaux du Journal. Je n’y étais pas, mais on m’a rapporté l’anecdote. Et je pense être en mesure de vous la raconter assez fidèlement.

En manchette de l’édition du 12 octobre, Le Soleil rapportait à la une l’histoire d’un Châteauguois contraint de vivre dans son auto - pour ne pas dire dans la rue – depuis que l’immeuble dans lequel il vivait a été démoli. À l’approche des froids de l’hiver, sa situation n’est pas idéale, vous en conviendrez comme moi.

L’homme était venu à quelques reprises au Journal depuis la prise de contact cet été. Un type d’une bonne carrure, qui parle fort. Sa visite ne passait jamais inaperçue des employés. Ce, jusqu’à la semaine dernière...

Comme l’a indiqué Jules dans l’article, Lucien Bessette est analphabète. Il a donc été incapable de prendre connaissance par lui-même du texte à son sujet.

Lorsqu’il s’est présenté au Soleil de Châteauguay pour avoir des copies de l’édition sur laquelle il faisait les manchettes, il a demandé à Jules de lui en faire la lecture.

«Il faut aider ceux qui ne peuvent le faire eux-mêmes.»

-Proverbre congolais

L’instant de surprise passé, Jules s’est exécuté avec plaisir. Ce moment était un peu surréel pour lui. Troublant et touchant aussi. Je n’ai moi-même jamais entendu pareille histoire de la sorte de toute ma carrière.

Une fois assis, M. Bessette s’est complètement tu. Il s’est pendu aux lèvres du journaliste. Comme un élève en classe, subjugué par les paroles de son professeur. Il buvait chaque phrase, y compris les citations qu’il avait lui-même dites en entrevue au journaliste. Plus rien d’autre ne comptait.

Il m’est permis de penser que le temps s’est arrêté ou sinon qu’il a suspendu son vol pendant quelques secondes pour cristalliser cet instant inoubliable d’une rare intensité et d’une infinie tendresse entre ces deux hommes.

Il ne nous reste qu’à espérer que M. Bessette pourra se trouver un toit prochainement grâce à l’article. Et je suis persuadée que Jules est prêt à lire la suite.