Opinion

Billet d'humeur : Déficit d'affection

le jeudi 10 septembre 2020
Modifié à 17 h 43 min le 08 septembre 2020
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Quel plus grand deuil la COVID-19 vous oblige-t-elle à faire? Je suis allée chez mes parents l’autre jour. Pour jaser et prendre de leurs nouvelles. Comme d’habitude. En privilégiant les discussions à l’extérieur. En mettant mon masque à l’intérieur. Quand je suis arrivée pour partir, j’ai eu un pincement au cœur. Parce qu’il arrive souvent que ma mère me demande de m’embrasser. De me serrer dans ses bras. Chose que je n’ai pas faite depuis cinq mois. Depuis le début de la pandémie. À la fête des Pères, puis des Mères, je me suis contentée de leur donner une carte et un petit cadeau à distance. Déposé sur le comptoir ou la table de cuisine. Sans pouvoir l’accompagner d’un geste d’affection ni de tendresse. Lors de ma dernière visite, ma mère me racontait que son amie d’enfance, son mari et leurs deux filles étaient venues à la maison. Pour partager un repas commandé au restaurant. Afin de limiter les risques de transmission. Ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps. Ma mère confiait d’un ton amusé qu’ils s’étaient salués en se touchant les coudes respectifs. La nouvelle salutation à l’ère du coronavirus. J’ai eu un nouveau pincement au cœur. Parce que les occasions pour mes parents de prendre leurs proches dans leurs bras sont probablement plus comptés que pour mon p’tit chat (ma nièce de 18 ans). À moins que la vie lui réserve une mauvaise surprise. Mon p’tit chat a sans doute encore 1 000 soupers d’anniversaires des siens devant elle. De nombreux Noël et pleins d’autres été à venir. Des becs et des accolades à ne plus finir. Peut-être même l’espoir d’une vie retrouvée d’avant la COVID-19. Contrairement à mes parents, pour qui le sablier, a moins de chances d’être retourné une fois le sable écoulé.
«Père et mère, parents, motifs apparents d’une longue affection réciproque.» - Francis Dannemark
En ce sens, chaque bec, chaque caresse et chaque souper reporté est un moment volé. Qui ne reviendra jamais. Qui est compté. Qui compte plus que tout. À mon avis, trop peu d’experts ont abordé les effets émotifs néfastes et parfois ravageurs engendrés par la distance physique qu’on nous impose en ce moment. Avec nos proches. Qui ne vivent pas sous notre toit. C’est généralement ma mère qui réclame une accolade et un bec quand je repars de la maison familiale. C’est à mon tour de les espérer maintenant. Parce que je suis aussi en déficit de son affection.