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Billet d'humeur : La chienne à Jacques

le mercredi 29 mai 2019
Modifié à 15 h 05 min le 29 mai 2019
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Connaissez-vous l’expression avoir l’air habillé comme de la chienne à Jacques? Ma mère l’emploie parfois. Pour exprimer le fait qu’une personne est mal habillée. Comme je l’étais l’autre jour… C’est une passante qui me l’a fait réaliser. Alors que j’arrosais les semences sur mon gazon avant. La dame est passée avec son conjoint. Elle souriait. Elle s’est retournée. Elle a souri de nouveau. Sans vraiment me regarder directement dans les yeux. Sur le coup, je ne comprenais pas pourquoi. Il m’a fallu quelques secondes pour réaliser mon accoutrement. J’avais l’air fou (petite leçon grammaticale ici, cette expression est invariablement au masculin, l’adjectif fou s’accordant avec un nom masculin ?). Je n’avais pas réalisé. J’avais des bottes d’eau. Un pantalon de pyjama coloré aux motifs de poules et poussins. Plus un kangourou bleu. Sous lequel dépassait une camisole aux tons variés. Effectivement, je devais avoir l’air de la chienne à Jacques. Dans fierté mal placée. Sinon daltonienne. Incapable de faire matcher les couleurs de mes vêtements.
«L’aiguille habille les autres et demeure nue.» -A. Oihenart dans Proverbes basques
La situation avait dégénéré sans trop que je m’en rende compte. J’avais d’abord enlevé mon veston en rentrant du travail, le temps de me préparer à souper. Puis, j’avais ensuite retiré mon pantalon «propre» (c’est drôle aussi cette expression!). Parce que j’allais dans la cour arracher quelques pissenlits. Puis, j’avais pensé à mes semences. De fil en aiguille, je m’étais métamorphosée sans m’en rendre compte. Je viens de fouiller un peu sur internet pour trouver l’origine de l’expression québécoise «habillée comme la chienne à Jacques». L’explication la plus probable veut qu’elle ait été créée dans le Bas-du-fleuve où vivait un homme appelé Jacques Aubert au début du 19e siècle. Célibataire endurci, il vivait avec sa chienne malade qui avait perdu tout son poil. Pour qu’elle n’ait pas froid l’hiver, il lui mettait des vieux chandails usés et inutilisables. Les voisins se alors mis à appeler ainsi quiconque portait des vêtements mal assortis. Le linguiste québécois Claude Poirier (et non pas notre nouveau collaborateur judiciaire) pense pour sa part que l’expression pourrait provenir de la déformation du mot jaque. Au 16e siècle, ceci était une sorte de manteau de cuir de protection pour les lévriers lors de la chasse aux sangliers. Les chiens avaient aussi l’air grotesque. Quoi qu’il en soit, avec ou sans chien, on peut avoir l’air ridicule!