Opinion

Billet : Souvenir doux-amer

le mercredi 03 janvier 2018
Modifié à 16 h 47 min le 03 janvier 2018
Par Hélène Gingras

helene_gingras@gravitemedia.com

Quels souvenirs gardez-vous de la crise du verglas?  Je n'oublierai jamais ce fameux jeudi matin. Jour de tombée. À notre arrivée au bureau, il n'y avait plus d'électricité. Après plusieurs jours de verglas, les fils électriques avaient cédé sous le poids de la glace. Plongeant la Rive-Sud dans une noirceur qui allait durer des jours. Le lendemain, les pylônes électriques allaient courber l’échine. Très rapidement, j’ai dû prendre une décision pour la salle de rédaction. Comme mes parents avaient de l'électricité et un foyer au bois, je m’y suis réfugiée avec mes deux collègues. En l’espace de quelques minutes, ils avaient mis une grande table à notre disposition. Dans ma chambre d’enfance. C'était avant les ordinateurs portables. Pas faits pour être déplacés. Aussi avait-il fallu que nous débranchions et transportons d'épais écrans ainsi que de lourdes tours. Tout ça par temps maussade et extrêmement glissant. On avait pour seul téléphone celui de mes parents. Et des articles à finaliser. On se le partageait. Je me souviens que Philippe avait appelé le directeur général de la Ville de Candiac pour un sujet banal compte-tenu de ce qui nous tombait sur la tête. C'était surréaliste. J'avais procédé au montage du journal, en soirée, à l'atelier de production. Grâce à une génératrice louée par le propriétaire. Sans me douter que nous allons pour la première fois de l'histoire du Reflet sauter une parution, par la suite, en raison de la météo. Dans les jours suivants, j'allais arpenter les centres d’hébergement pour le travail en compagnie de mon beau-frère. Vivre avec quatre autres adultes, deux chiens et un chat chez mes parents. M'endormir sous des dizaines de couvertures tous les soirs. Jouer au Scrabble à la chandelle. Faire du BBQ. Marcher dans le noir. Écouter les branches des arbres se casser avec grand fracas. Dans un spectacle assourdissant et impressionnant. J’en ai gardé une forme de bonheur. Puis, dans les minutes suivant la réouverture du pont Mercier, je m'étais précipitée au centre d'accueil où vivait ma grand-mère. Pour la trouver complètement désorientée par les derniers jours. Elle ne comprenait pas ce qui s'était passé. Elle avait été forcée de dormir dans la salle à manger avec les autres résidents. Contre son gré. Elle si docile normalement. Elle croyait que nous l'avions abandonnée. Pour elle, la crise du verglas avait été traumatisante.
«L’ordinateur a de la mémoire, mais aucun souvenir.» -Anonyme