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Cinq questions à un apprenti travailleur de rang

le mercredi 06 juillet 2016
Modifié à 0 h 00 min le 06 juillet 2016
Par Joëlle Bergeron

joelle_bergeron@gravitemedia.com

Durant l’année scolaire, Maxime Trudeau a effectué un stage auprès d’un des six travailleurs de rang du Québec, œuvrant dans La Matapédia. Peu nombreux, ces travailleurs de rue en milieu agricole font un travail colossal sur le terrain. Témoignage d’un Sainte-Catherinois ayant observé la situation de près.

Comment as-tu connu le métier de travailleur de rang?

Je fais un bac en communication, psychosociologie à Rimouski. Il me reste un an d’études et, pour mon deuxième stage, j’avais envie d’aller du côté agricole. Je ne connaissais pas ce métier, comme bien des gens d’ailleurs, et je suis tombé sur la page Facebook de Jackie Castonguay, une travailleuse de rang. Je lui ai écrit pour qu’elle m’accueille comme stagiaire.

Quel est le rôle du travailleur de rang?

Il apporte du soutien aux agriculteurs, mais aussi au réseau environnant qui peut avoir besoin d’aide: la femme, les enfants, les fournisseurs, etc.. C’est un accompagnateur, une bonne oreille qui permet de ventiler et qui amène l’autre à réfléchir sur des pistes de solutions pour lui-même. Il peut aussi agir comme lien entre les organismes locaux ou CLSC et le milieu agricole. Il fait sauter l’étape de la recherche d’une ressource, et c’est rassurant.

Le travailleur de rang combat également la détresse psychologique. Une donnée souvent méconnue est que le plus haut taux de suicide au Québec est chez les agriculteurs; c’est quatre fois plus élevé que dans le reste de la population.

Qu’est-ce qui t’a frappé le plus durant ton stage?

Il y a beaucoup de détresse. Les agriculteurs travaillent sept jours sur sept, 365 jours par année. Pendant que les gens font le souper de Noël, les agriculteurs vont traire les vaches. Le 1er janvier, alors que tout le monde dort profondément parce que le 31 au soir on a pris un verre de champagne, l’agriculteur se lève quand même à 4h pour s’occuper des animaux. C’est incroyable.

À ce rythme-là, c’est difficile de concilier vie de famille et emploi. Ils ne peuvent pas être là à 100% pour l’enfant. Si leur garçon a une pratique de hockey ou que leur fille a un concert, ils ne peuvent pas toujours se libérer. Au moment des foins, les agriculteurs font des heures de fou et ne dorment presque pas.

Prendre des vacances, c’est quasiment impossible, parce qu’en leur absence, ils doivent s’assurer que la place roule quand même. Ils ont constamment la tête à la ferme.

Le manque de relève est-il aussi un enjeu?

Il y a effectivement des craintes liées à la passation parce que c’est compliqué léguer des entreprises. Certains sont dépourvus de relève et pour ceux qui en ont, ce n’est pas simple.

Malgré tout ça, les agriculteurs sont des gens formidables avec des valeurs incroyables. Vraiment du bon monde. Je ne connais pas beaucoup de gens qui se lèvent le matin et qui sont heureux d’aller au travail. Ces gens-là n’iraient pas faire autre chose. C’est une vocation et ils adorent leur métier.

Songes-tu à devenir travailleur de rang?

Chose certaine; je veux redonner à la communauté. Il me reste encore du temps pour y penser, mais j’aimerais peut-être ça être travailleur de rang. Avant, je ne connaissais rien de l’agriculture. Mes parents étaient séparés et j’ai vécu entre Saint-Constant et LaSalle. J’ai découvert le milieu par l’entremise d’une de mes copines qui a grandi sur une ferme laitière et je suis tombé en amour avec le métier. Avant d’être avec elle, je pensais que la pinte de lait apparaissait comme par magie à l’épicerie. J’ai beaucoup appris depuis (rires).