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COVID-19

COVID-19 : Père et fille « anges » recrues en zone rouge

le jeudi 07 mai 2020
Modifié à 13 h 18 min le 07 mai 2020
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Richard Béliveau et sa fille Oxanna soignent des personnes âgées lourdement touchées par la COVID-19. Les résidents de Saint-Chrysostome ont répondu à l’appel à l’aide pour combler le manque de main-d’œuvre dans les CHSLD. Leur mission en zone rouge est loin d’être une sinécure, mais elle leur tient à cœur.  Enseignant à l’Institut de protection contre les incendies du Québec IPIQ, Richard Béliveau était en congé forcé par la pandémie. Il a répondu à l’appel à l’aide lancé par le premier ministre François Legault. «Je trouvais ça difficile d’être payé et rester chez moi. Je me suis dit que je serais plus utile en CHSLD», explique-t-il. Lui et sa fille ont accordé une entrevue au Soleil de Châteauguay mercredi après-midi alors qu’ils filaient en voiture en direction de la métropole. Un trajet d’une heure. Recruté par un CIUSSS de Montréal, M. Béliveau a demandé si sa fille de 17 ans pouvait travailler aussi. «On m’a dit : on a besoin de tout le monde !» lance-t-il. «Je m’en vais en soins infirmiers. Je voulais aider et prendre un peu d’expérience dans le domaine», fait part Oxanna. Baptême d’enfer Les deux recrues ont fait leurs premiers pas dans un établissement pour aînés à LaSalle. «On était aide de service, on aidait les préposés aux bénéficiaires. On était tout le temps supervisés», indique M. Béliveau. Il a ensuite été transféré avec sa fille dans un CHSLD où ce fut le choc à l’arrivée. «Les préposés de jour avaient fait des doubles. On s’est retrouvés tout seuls. Il y avait seulement une infirmière pour tout l’établissement. C’était le chaos», affirme le bon Samaritain. Il insiste toutefois : «Je ne me plains pas du tout contre la gestion. Il n’y a personne à blâmer, tout le monde fait de son mieux. Tout le monde court.» Sans expérience, père et fille se sont retrouvés à devoir nourrir des gens âgés très mal en point, changer leurs couches, les transférer de leur fauteuil roulant à leur lit. «Il y avait un appareil au plafond. Je n’avais aucune idée comment ça marchait. C’est une bénéficiaire qui m’a montré comment attacher ça. Sans elle, on aurait eu de la misère», raconte le père. Par la suite, ils ont pu compter sur le soutien d’une préposée aux bénéficiaires venue de Québec, dont le quart de travail précède le leur. «Elle couche à l’hôtel pour ne pas contaminer sa famille. Elle devrait finir sa journée à 3 heures mais elle reste jusqu’à 6 heures pour nous aider le plus possible. Une chance qu’elle est là pour nous orienter», apprécie M. Béliveau. « Zone de guerre » Ils sont en zone rouge, où 95 % des aînés sont contaminés. Plusieurs sont inconscients. Plusieurs succombent. «On revient travailler, les chambres sont vides. La personne qu’on a nourrie est décédée», dit Richard Béliveau. Parfois, une serviette est placée au pied de la porte, sur laquelle est fixée la photo du résident avec son nom. «On va voir comment ça va et la personne est décédée dans son lit. C’est spécial», dit-il. Pour lui, parler de guerre n’est pas exagéré. «C’est une zone de guerre. Je ne m’attendais pas à ça, de voir autant de détresse, de misère, de monde qui souffre, du monde inconscient que la COVID a anéanti» affirme-t-il. L’expérience n’est pas facile, mais lui et sa fille sont fiers de contribuer. «C’est sûr que c’est triste mais ils ont vraiment besoin d’aide. Ça fait une différence qu’on soit là, je le vois», dit Oxanna. Et faire équipe? «C’est le fun. Ça montre de bonnes valeurs. Je suis pas mal fier de ma fille !» Attraper le virus Est-ce qu’ils ont peur d’attraper le virus ? «Tout le monde va finir par l’avoir de toute façon. Alors aussi bien l’attraper en aidant les autres», philosophe Richard Béliveau. Ils ne courent pas après la COVID-19 pour autant. «On se protège bien, on suit les consignes. On prend notre température trois fois par jour», souligne-t-il. Retour à l’enseignement Au moment de l’entrevue, la mission de Richard Béliveau tirait à sa fin. Il devait y mettre un terme pour faire une quarantaine avant de retourner enseigner. Oxanna prévoyait continuer.
Richard Béliveau et sa fille Oxanna dans un CHSLD à Montréal.