Culture

Dix questions à Gaston Lepage

le mardi 22 mars 2016
Modifié à 0 h 00 min le 22 mars 2016
Par David Penven

dpenven@gravitemedia.com

Véritable touche-à-tout, Gaston Lepage, résident de Saint-Rémi, semble être né avec tous les talents: comédien, animateur, pilote d’avion et d’hélicoptère, menuisier, chasseur et pêcheur aguerri. On a pu le voir dernièrement dans le rôle du père du personnage de Séraphin Poudrier dans la série télé «Les pays d’en haut».

 

1. Avez-vous aimé votre participation à la série Les pays d’en-haut ?

Les belles Histoires des pays d'en haut fut une série culte à la télé de Radio-Canada depuis sa première diffusion en 1956. J'avais 7 ou 8 ans à l'époque, et je me souviens encore du mariage de la trop belle Donalda avec le méchant Séraphin. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai accepté de jouer dans la relecture de l'œuvre de Claude-Henri Grignon, le rôle du père de Séraphin, Évangéliste Poudrier. Ce rôle qui fut campé à l'époque par Hector Charland. M. Charland avait incarné Séraphin auparavant dans deux films tournés en 1947 et 1949 respectivement, et pendant plus de 20 ans à la radio. Pour moi, ses souliers étaient quand même assez grands à chausser! Après la lecture des dix scénarios, humainement actualisés par Gilles Desjardins, ce fut vraiment un grand honneur pour mon petit moi d'embarquer dans le projet. Ça me plaisait d'autant plus que j'y serais à nouveau dirigé par le réalisateur Sylvain Archambault, avec qui j'avais travaillé sur la série Mensonges, l'année précédente. Le défi était grand pour tous les comédiens, chacun des personnages ayant tellement marqué l'imagination des téléspectateurs. La distribution qu'a faite Archambault est tellement extraordinairement crédible, que la critique a tout de suite encensé la nouvelle œuvre, en même temps qu'elle a reçu l'aval du public. Ma seule déception dans cette série, c'est que mon personnage est assassiné au cinquième épisode. Donc, je ne serai probablement pas dans la suite de ce que je me permets d'appeler le premier western québécois digne de ce nom.

 

2. Comment vous vous définissez-vous avant tout: acteur? Animateur ?

Je crois que je suis d'abord un acteur. Si je suis devenu par période, animateur télé, c'est parce que je me suis rendu compte, après la fin de la série Les Brillant de Marcel Gamache à TVA, que le rôle avait tellement marqué, qu'il risquait de me coller à la peau au point de m'empêcher d'aborder d'autres genres de personnages, autant dramatiques que comiques. Il me fallait récupérer mon nom, mon vrai nom. Donc, Gaston Lepage a animé des variétés, des quizz et des talk-shows à la télé tout en faisant du théâtre au TNM, au Rideau vert et ailleurs, des séries dramatiques et aussi des films. Je crois qu'ainsi les téléspectateurs ont pu faire la distanciation que j'avais besoin qu'ils fassent pour percevoir la grande différence entre les personnages que j'incarne et l'homme que je suis.

 

3. Quel a été votre rôle le plus marquant ?

Pour le public, c'est sûrement la série Les Brillant, pour mon rôle d'Anatole. On m'en parle encore souvent. Mais pour moi, c'est le rôle de Samuel Parslow dans le film Cordélia de Jean Beaudin en 1978. C'était mon premier grand rôle au cinéma, et j'ai découvert tout un monde en même temps qu'une autre facette de mon métier. J'ai adoré travailler là-dessus. Les grands rôles que j'ai joués au théâtre m'ont aussi marqué. Surtout les classiques. Harpagon dans L'avare de Molière et Shylock dans le Marchand de Venise de Shakespeare particulièrement. Les grands rôles permettent de se mettre en abîme et de faire de grandes découvertes.

 

4. Si vous n’aviez pas embrassé la carrière d’acteur, quel métier auriez-vous fait ?

En fait, il y a tellement de domaines qui m'intéressent que je ne sais pas ce que j'aurais pu faire de mieux. Je me destinais, avant la fin de mes études, vers une carrière de professeur de lettres ou d'histoire de l'art. Mais j'aimais aussi ma job d'été, et le travail manuel, alors que je conduisais un camion pour une compagnie de déménagement. J'adore piloter des avions et les hélicoptères, mais je n'ai jamais voulu en faire carrière et je ne crois pas que j'aurais aimé. J'aime trop la liberté que cette activité procure pour échanger ce temps béni pour de l'argent.

 

5. Quel est le secret concernant la longévité de votre vie de couple avec Louise Laparé ?

Plus de 36 ans maintenant. Pour le secret de cette longévité? Hum... On va bien finir par le savoir à coup sûr dans un autre 36 ans. On travaille là-dessus! Mais la raison première, c'est probablement parce qu'on s'aime. Peut-il y en avoir d’autres? Quand on peut compter sur quelqu'un, toujours, dans toute situation, ça entretient le feu. Quand on s'amuse, qu'on ne se jalouse pas, et qu'on fait ce qu'on aime sans l'imposer à l'autre et que l'autre ne nous en empêche pas, et que tout ça est réciproque, on tient une formule pas mal gagnante. Je crois que Louise et moi avons ça en commun.

 

6. Trouvez-vous qu’on vous cantonne à un type de rôle particulier ?

Non, je ne crois pas. J'ai eu la chance de pouvoir choisir à plusieurs reprises. J'ai fait des rôles très diversifiés sur les différentes plateformes du métier. Je faisais le clown à la télé, alors que le soir je jouais des rôles de tête au théâtre, autant dramatiques que comiques, j'animais parallèlement des émissions de télé quotidiennement, et je jouais à la Ligue nationale d'improvisation, dont j'étais l'un des membres fondateurs. Bien que j'ai pris la décision de ne plus jouer au théâtre après Le Marchand de Venise en 1993, j'ai pu trouver dans l'animation autant de satisfactions. Aujourd'hui, j'aimerais faire plus de cinéma. J'adore le cinéma.

 

7. Comment expliquez-vous que vous êtes un des rares comédiens au Québec à perdurer dans le milieu ?

Oh! Je me dis que je dois avoir un créneau particulier dans la panoplie des personnages, et que j'ai aussi beaucoup de chance. Je laisse le soin à d'autres d'évaluer le talent que je peux avoir. Je suis d'habitude assez ordinaire en audition, donc je n'en passe que très rarement, mais quand on me confie un rôle, la confiance qu'on me fait me donne la force de m'investir profondément et d'aller très loin. 

 

8. D’où vous vient votre passion pour la chasse et la pêche ?

Quand on vient de la campagne, on prend toutes sortes de petites habitudes comme celles-là. Ça fait partie de la vie. Et quand on arrive à l'âge adulte, ça reste puissamment ancré dans la personne. Comme j'ai déjà entendu quelque part: «On peut toujours sortir le gars du bois, mais on ne pourra jamais sortir le bois du gars». Donc, la forêt, les lacs et rivières et les grands espaces, je suis marié avec ça. Ça fait partie de mon équilibre, de me retrouver pendant des jours et des jours au milieu de nulle part, une canne à pêche à la main. C'est ce qui m'a emmené au pilotage d'aéronefs, autant hydravions qu'hélicoptères. Pouvoir explorer tout le territoire du Nord autrement inaccessible me comble. 

 

9. Être comédien en 2016 au Québec, plus facile ou non par rapport à votre génération ?

Ça, c'est la question à 1 M$. C'est sûrement plus difficile pour les jeunes qui commencent, à cause du nombre important de diplômés qui sortent des écoles de théâtre chaque année. Sans compter les autodidactes qui entrent dans la compétition qui est énorme. Le talent de chacun est formidable. Donc, c'est difficile de faire sa marque. Ça l'était pour nous aussi, ceux de ma génération, mais on pouvait plus facilement approcher directement les réalisateurs. Je me souviens, arpentant les couloirs de Radio-Canada, en quête de travail à mes débuts. Rares sont les visites dans la grande tour où je n'ai pas trouvé un plus ou moins gros rôle en jasant avec un réalisateur rencontré au hasard, sans rendez-vous. Chose impossible maintenant. Les règles ont changé aujourd'hui et le système est différent. Agent, auditions, etc. C'est moins convivial, mais ça donne l'opportunité à beaucoup plus d'artistes de rencontrer des réalisateurs qui donne ront peut-être sa chance à cette jeune actrice/acteur, lorsqu'ils recherchent de nouvelles têtes. Soyons positifs. La télévision, depuis plusieurs années, mise sur la jeunesse. Le groupe d'âge des 16-35 ans a malgré tout énormément d'opportunités aujourd'hui. 

 

10. La question qu’on ne vous pose jamais et à laquelle vous aimeriez répondre ?

«Avez-vous une maîtresse?» : Oui elle est en tôle, et elle a une grande hélice en guise de chapeau qui lui fait une jolie auréole quand je la fais danser.