Corinne D’Anjou a permis d’identifier des soldats américains qui ont péri lors de la bataille de l’atoll de Tarawa face aux Japonais, un des épisodes les plus sanglants de la reconquête des îles du Pacifique durant la Seconde Guerre mondiale.
«Ma contribution a été modeste. C’est avant tout un travail d’équipe», répète à quelques reprises l’odontologiste médico-légale qui exerce aussi la profession de dentiste à Candiac.
À l’aide de fiches dentaires d’époque conservées par l’armée, elle a réussi à redonner une dignité à ces dépouilles enterrées dans des tranchées. Celles-ci seront rapatriées via un organisme du gouvernement américain afin qu’elles soient enterrées avec honneurs. Lors de son séjour, 35 corps de soldats à l’état squelettique avaient été exhumés.
Opportunité
Dentiste de formation diplômée de l’Université Laval, Corinne D’Anjou obtient en octobre 2014 sa spécialisation à l’Université McGill. Elle décide de parfaire sa formation au University of Texas Health Science Center at San Antonio où elle poursuit présentement ses études. C’est là-bas que son directeur d’études lui demande de l’accompagner en République de Kiribati dont l’atoll de Tarawa fait partie.
«Le Dr David Seen a été recruté par History Flight. Il s’agit d’un organisme sans but lucratif. Depuis une dizaine d’années, cette organisation se consacre à retrouver à travers le monde les corps des soldats américains n’ayant pas eu de sépultures officielles. Une occasion comme celle-là ne se présente jamais, il faut la saisir», mentionne la médecin.
Identification
La principale intéressée a séjourné du 9 au 30 juin sur cette minuscule île du Pacifique qui a constitué un endroit stratégique lors du dernier conflit mondial. L’atoll a été conquis par les Japonais qui s’en servaient comme point de ravitaillement.
«L’équipe d’History Flight est petite. Nous étions une dizaine. Elle est constituée d’anthropologues, de géophysiciens, d’archéologues et d’odontologistes médico-légales. Nous avions un laboratoire aménagé dans un cottage», poursuit la spécialiste.
Disposant de quelque 330 fiches dentaires numérisées, la principale intéressée devait, avec ses confrères, trouver quelle fiche correspondait à quel corps.
«En odontologie, on compare habituellement les radiographies du dentiste avec la dépouille fait remarquer la Dre D’Anjou. Dans les années 40, il n’y avait pas de radiographies en dentisterie. Les seules radios dont disposait l’armée étaient celles des poumons afin de s’assurer que les recrues n’avaient pas la tuberculose.»
À ces difficultés s’ajoutent celles des notes médicales de l’époque, qui ne sont plus les mêmes qu’aujourd’hui.
«Nous prenions des photos et des radiographies de leurs dents et nous voyions quel dossier pouvait correspondre. On devait être d'accord tous les trois quand nous procédions à l’identification d’un militaire», relate celle-ci.
Corinne D’Anjou a examiné leur dentition aux côtés de deux confrères, incluant son directeur d’études.
Des tests d’ADN, dont les échantillons prélevés sur les os, les cheveux ou autres tissus restants viendront par la suite confirmer le verdict des odontologistes.
Sur les 35 corps déterrés dans ce qui a été baptisé le «cimetière 27», 18 ont été formellement identifiés.
«On croyait pouvoir en identifier trois ou quatre. C’est énorme! Il y a cinq ou six autres cas dont nous doutons», se réjouit-elle.
À côté des restes de ces marines se trouve aujourd’hui un bâtiment qui sera sous peu démoli.
«On suspecte que dessous cet édifice, indique Corinne D’Anjou, il y a neuf ou dix autres soldats enterrés. Quand celui-ci sera démoli, je vais sans doute retourner à Tarawa identifier ces nouveaux corps en novembre.»
Énorme perte
La bataille de l’atoll de Tarawa située dans l'archipel des îles Gilbert dans le Pacifique se déroula du 20 au 23 novembre 1943. Près de 4 700 soldats japonais et travailleurs forcés coréens et plus de 1000 marines américains furent tués en l'espace de 76h.
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