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La renaissance d’une mère après l’exploitation sexuelle

le mercredi 17 février 2016
Modifié à 0 h 00 min le 17 février 2016

Julie (nom fictif) avait 18 ans quand elle a pris le téléphone pour répondre à une petite annonce dans le journal cherchant des danseuses nues. Vingt-quatre heures plus tard, un groupe venait la chercher dans le parc de la Tortue à Delson. C’est à ce moment-là que tout a basculé, affirme celle qui a livré son témoignage au Reflet.

Avant d’atteindre ses 16 ans, Julie dit avoir vécu dans une bulle de verre. Collège privé, travail, vêtements de marque; une vie en apparence presque parfaite.

«On a souvent le stéréotype de la fille qui vient d’un milieu défavorisé. Je ne manquais de rien au niveau financier, mais je voulais briser ces chaînes. J’étais tellement encadrée», raconte-t-elle.

La jeune femme aujourd’hui âgée de 34 ans explique qu’elle vivait cependant de la violence psychologique et verbale de la part de sa famille.

«À partir de l’âge de 16 ans, j’ai commencé à sortir et à avoir de mauvaises fréquentations. C’est comme si le fait d’avoir 16 ans me donnait le droit de faire ce que je voulais, quand je le voulais. J’étais en recherche de ma liberté et je voulais partir de chez mes parents», poursuit celle qui ne rentrait plus au domicile familial le soir.  

À 17 ans, elle fréquente des gens du domaine criminalisé. Ils lui font comprendre qu’être une danseuse nue est bien vu dans le milieu.

«Il n’y avait pas de cassage de tête. J’allais faire de l’argent rapidement. J’étais dans l’illusion de tout ce tape-à-l’œil. Je voyais toute l’attention que ces filles-là avaient. C’est le crémage autour qui est attirant; l’argent, la liberté», mentionne-t-elle.

Et arrive ce moment fatidique dans le parc à 18 ans.  

«Quand ils sont venus me chercher, j’étais nerveuse. J’avais mal au cœur et je shakais. Je sentais que je ne pouvais pas reculer, affirme-t-elle. Je sentais qu’il était trop tard pour revenir en arrière.»

Même si l’âge de Julie faisait d’elle une adulte, elle dit ne pas avoir eu l’impression qu’elle en était réellement une.

«Tu n’es pas nécessairement mature pour prendre ce genre de décision de vie. C’est des années plus tard que j’ai compris de quoi avait vraiment l’air une fille de 18 ans, son innocence. Je comprends que ce n’est pas normal ce que j’ai vécu.»

Impuissants, ses parents ont abandonné l’espoir de la ramener à la maison, dépassés par les évènements.

Santé en jeu

Julie a réussi à se sortir de l’exploitation sexuelle deux ans plus tard.

«J’étais rendue tellement malheureuse. Je ne me sentais pas bien psychologiquement. J’étais tannée de me faire toucher», explique celle qui est devenue serveuse plutôt que danseuse au bar.

La jeune femme a par la suite mis sa santé en jeu pour avoir une chance de quitter cet univers obscur.  

«Je me suis mise à manger sans arrêt, admet-elle. Je me sentais grosse et gonflée, alors je ne voulais plus y aller. Je me suis autosabotée pour m’en sortir. Je suis chanceuse d’avoir pu quitter rapidement. Il y a des filles pour qui c’est impossible de revenir en arrière.»  

La suite n’a pas été rose pour autant. Victime d’un choc post-traumatique après ces évènements, Julie a suivi un long parcours vers la rédemption. Elle a consulté un psychiatre et a pris des antidépresseurs à la suite d’une dépression majeure.

«J’ai mis cette partie de ma vie dans un tiroir. C’est par la suite que j’ai eu des souvenirs qui me sont revenus, explique-t-elle. Lorsque j’entendais parler de prostitution à la télévision, j’avais des convulsions. C’est comme si je sentais tous les contacts, toutes les mains sur mon corps. Une personne qui m’accroche derrière, ça me rend encore très réactive.»

Retrouver son estime

Aujourd’hui mère d’un garçon de 7 ans, elle a réussi à retrouver une estime d’elle-même.

«J’ai été habituée à me faire dire que j’étais une salope. J’ai commencé à le croire, avoue celle qui étudie à l’université depuis plus d’un an. Se dire qu’on mérite le respect, c’est tout un parcours.»

Julie dit avoir été ébranlée par les récents cas de fugues de jeunes filles rapportés dans les médias.

«C’est important de leur signaler qu’il y a des organismes où tu peux avoir de l’aide. À 18 ans, j’aurais aimé ouvrir le journal et plutôt que d’y voir une annonce pour danseuses, voir une annonce pour des ressources pour les jeunes, mentionne-t-elle. Elles valent mieux que d’aller se vendre. Oui, c’est de l’argent facile, mais c’est dur gagner au bout du compte. C’est un rêve qui devient un cauchemar.»

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125, chemin Haendel
Candiac
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Maison des jeunes Sympholie
11, 6ème Avenue
Delson
450 638-6862

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320, chemin Saint-François-Xavier
Delson
450 632-1640

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565, rue Notre-Dame
La Prairie
450 444-6717

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164, boulevard Monchamp
Saint-Constant
450 638-2010

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450 632-5122

Maison des jeunes St-Philippe 
2245, route Édouard VII
Saint-Philippe
450 659-0428