Culture

L’enfance de l’art – Doigts d’auteur de Marc Favreau: … ou l’art de faire revivre une œuvre toujours aussi vive

le lundi 24 septembre 2018
Modifié à 8 h 41 min le 24 septembre 2018
Marc Favreau et son célèbre Sol, personnage à la naïveté touchante et au regard bien aiguisé sur les travers de la société, ont marqué les esprits. Loin de l’idée de ressusciter le clochard philosophe, le spectacle L’enfance de l’art – Doigts d’auteur de Marc Favreau fait la part belle à cette œuvre toujours vivante et ce regard unique sur le monde. Le directeur artistique d’Ex Libris Nicolas Gendron, qui signe l’adaptation et la mise en scène, raconte la génèse de cette «estradinaire» aventure.   D’où est venue cette idée de faire L’enfance de l’art? J’ai grandi avec l’univers de Marc Favreau. J’ai découvert ses textes dans la bibliothèque familiale. Par la suite, il y a eu les vinyles, les CD. Puis je suis allé voir du côté de Sol et Gobelet. J’apprenais les textes par cœur. C’est important dans mon parcours. Quand j’ai fondé la compagnie avec mes amis, on me disait: “il faut que tu fasses un solo, il faut que tu fasses un spectacle sur Favreau”. Mais je n’avais pas envie d’aller vers ça. Je ne voulais pas un hommage. Je trouvais ça intéressant qu’une jeune génération s’empare de cette parole. Et que ce soit un spectacle de gang!   À quoi ressemble un spectacle autour de Sol… sans Sol? Le spectacle gravite bel et bien autour de Marc Favreau. L’univers visuel, dans une facture minimaliste, est un clin d’œil à celui de Sol et Gobelet. On met en scène une ruelle, qui évoque l’enfance, l’itinérance. Mais la vedette, c’est cette langue, cette parole. C’est important qu’on se rappelle à quel point c’était un auteur d’exception, derrière le personnage. Sol pouvait se permettre de tout dire, parce qu’il n’avait rien. Cette parole, on se l’approprie, on la démultiplie. Ce sont beaucoup des tableaux de groupe, parfois très théâtraux. D’autres fois, ce sont des textes en chanson. On revisite avec l’énergie d’une troupe! Est-ce difficile de jouer ces textes sans tomber dans l’imitation? C’est aussi bête que d’enlever certaines expressions et son champs lexical, comme les «ouille», «estradinaire». Le but n’était pas d’imiter, car une certaine génération est attachée au personnage. On le dit d’ailleurs dans le spectacle: ne vous en faites pas, on le respecte tout autant, puis ensuite on va ailleurs.   [caption id="attachment_48857" align="aligncenter" width="521"] Nicolas Gendron (Photo gracieuseté)[/caption]   Bien que vous soyez «expert» en la matière, avez-vous fait des découvertes en relisant les textes dans ce contexte de travail? Oui, c’est un œuvre à tiroirs infinis. Même dans le travail de répétition, on trouvait des jeux de mots, des références. C’est une invention poétique et langagière! Pour ce projet, je me suis aussi replongé dans la biographie de George Hébert Germain, L’homme au déficient manteau.Je trouvais également important de parler à ses proches. J’ai rencontré Antoine Durand, le fils de Luc Durand, qui incarnait Gobelet. J’ai parlé à ses enfants pour savoir quel homme il était. C’était un philosophe, un poète, un homme rassembleur. C’était un humaniste. Chez lui, on retrouvait cette idée de justice sociale qui teinte la majorité de ses textes.   Les textes de Favreau jettent-ils toujours un regard actuel sur notre société? On lui donne un éclairage actuel, en éliminant certains référents. Mais que ce soit ses réflexions sur le système de santé ou sur la justice, ç’a bien vieilli… heureusement ou malheureusement.