Culture

Les émotions n’ont pas de sexe

le mercredi 29 avril 2015
Modifié à 0 h 00 min le 29 avril 2015
Par Joëlle Bergeron

joelle_bergeron@gravitemedia.com

LA PRAIRIE - «Quand on parle de transsexualité, on aborde souvent l’aspect médical et très technique; prises d’hormones, chirurgies, documents légaux, etc., mais on parle peu des émotions», déplore Samuel Champagne, auteur du roman jeunesse Éloi, publié aux Éditions de Mortagne.

Lui-même en transition, l’étudiant au doctorat en lettres de La Prairie a voulu donner des clefs de compréhension aux jeunes et à leur entourage.

En faisant sa maîtrise sur le thème de l’homosexualité dans la littérature jeunesse au Québec, il s’est rendu compte qu’il y avait très peu d’ouvrages de fiction traitant de ce sujet et de la transsexualité.

«Quand je me posais des questions, j’aurais aimé pouvoir m’identifier à un personnage et me mettre dans la peau de quelqu’un qui vivait les mêmes choses que moi», admet le trentenaire.

«Dans les salons du livre, j’ai beaucoup de commentaires de parents qui, à la lecture de mon roman, réalisent des choses, ajoute-t-il. Je ne suis pas un activiste, mais ça me fait plaisir de pouvoir aider de cette façon.»

Partir de soi

Avec Éloi, la suite de Garçon manqué, l’auteur aborde la transsexualité, les étapes à franchir durant la transition et la vie de couple.

À 17 ans, le personnage principal attend impatiemment de subir sa première opération: une mastectomie. Il est heureux, en paix, mais ne cesse de se demander si quelqu’un voudra un jour être en couple avec lui. Quand il rencontre un garçon qui lui plaît énormément, il craint que sa différence ne le rebute.

Même si l’auteur a une histoire comparable à son sujet – il est passé de fille à garçon – les similitudes s’arrêtent là. Contrairement à l’adolescent de son livre, le Laprairien a amorcé sa transition il y a quelques années.

«Si ça se trouve, ça s’est mieux passé pour moi que pour Éloi parce que j’étais à l’université, confie-t-il. Au secondaire, ce n’est pas la même dynamique et on a plus besoin de l’approbation des autres, ce qui est moins le cas en vieillissant.»

Même s’il n’a pas écrit un récit autobiographique, Samuel Champagne est parti de lui pour raconter quelque chose qui soit réaliste. Il a écouté beaucoup de documentaires et a parlé à d’autres transsexuels pour créer un portrait plus universel.

Quand il a publié la quatrième de couverture sur sa page Facebook, un lecteur lui a d’ailleurs écrit : «Ton résumé, c'est ma vie, à la seule différence que je ne suis pas gai, mais c'est comparable. Peu importe, gai ou hétéro.»

Éducation

Le changement de sexe n’est pas une lubie ou un caprice et il reste encore beaucoup d’éducation à faire sur la transsexualité, estime l’auteur.

«En fait, toutes les raisons sont bonnes pour faire du déni, constate M. Champagne. Si c’est un enfant, on dit qu’il est trop jeune, si c’est un ado, on va dire qu’il se cherche et qu’il est en crise existentielle et si c’est un adulte, on va dire: pourquoi il ne l’a pas fait avant?»

Même si cette étape charnière est un dur moment à passer, il peut également y avoir beaucoup de beauté qui émane d’elle et c’est ce que Samuel Champagne essaie de montrer dans ses livres.