Opinion

Les Sanguinet, des seigneurs présents dans leur milieu

le jeudi 14 mai 2015
Modifié à 0 h 00 min le 14 mai 2015

Depuis 2002, le Québec célèbre la Journée nationale des patriotes le lundi qui précède le 24 mai, pour remplacer la fête de Dollard. On peut insinuer des histoires de dettes et de duel à propos de Dollard des Ormeaux, mais les faits sont têtus.

Les faits disent que Dollard et ses 17 compagnons sont morts au Long-Sault en 1660 et qu’avec des tribus amérindiennes amies, ils ont sauvé Ville-Marie d’une attaque projetée par des centaines d’Iroquois. Les attaquants ont jugé prudent de renoncer après la résistance vécue au Long-Sault.

Mais ce lundi 18 mai 2015, Journée nationale des patriotes, nous aurons une pensée pour les frères Sanguinet, Christophe-Ambroise (né le 21 décembre 1799) et Charles-Amable (né le 23 novembre 1800), qui ont donné leur vie pour avoir défendu les droits de leurs compatriotes. Ils faisaient partie des Patriotes pendus au Pied-du-Courant le 18 janvier 1839.

Défendre leurs droits, c’est l’histoire de leur vie, puisqu’ils n’avaient pas 5 ans lorsque la justice britannique a contesté les limites de leur seigneurie de La Salle. Aussi bien dire que leur vie a été imprégnée des démêlés judiciaires dans lesquels leur grand-père et leur père furent plongés depuis 1802. À l’issue de deux procès en 1805 et en 1807, la seigneurie de La Salle fut injustement amputée des 20% les mieux développés de son territoire. Leur grand-père, Christophe Sanguinet, est décédé en 1809 sans avoir pu récupérer cette partie et Ambroise, leur père, en lui succédant, a eu la tâche d’intercéder en faveur de centaines de censitaires menacés d’être expulsés de leurs terres. Ambroise est décédé en 1819, de sorte que ses fils avaient à peine 20 ans lorsqu’ils sont devenus coseigneurs à leur tout. Cette pénible histoire s’est finalement réglée en 1824, mais sans que les 20% de territoire soient rendus aux deux frères Sanguinet.

Après les ennuis auxquels ils avaient été mêlés, les habitants de la seigneurie de La Salle se sont serré les coudes pour mettre la plus grande distance possible entre eux et les autorités civiles. Ils ont obtenu que la paroisse de Saint-Rémi soit créée le 3 juin 1828. Aussitôt, ils ont écrit à l’évêque de Québec pour demander la permission de construire une église et un presbytère. Parmi les signataires, l’oncle Louis Sanguinet, Ambroise Sanguinet et Charles Sanguinet. On peut voir leurs noms sur la première ligne de signatures (photo). Un an plus tard, les trois mêmes Sanguinet signent une requête à la Commission civile de contrôle des églises pour obtenir l’autorisation d’élire des syndics chargés de répartir les dépenses et de surveiller les travaux de construction de l’église de Saint-Rémi. Mais là s’arrêtent les interventions des Sanguinet, car la seigneurie de La Salle sera vendue en 1829.

Ces documents démontrent que les jeunes seigneurs Sanguinet partageaient la vie de leurs compatriotes. Ils étaient des seigneurs présents dans leur milieu, contrairement aux propriétaires suivants de La Salle: le docteur George Selby, établi à Montréal, puis la veuve de son fils William, Marguerite Baby, elle aussi une seigneuresse absente. On comprend mieux pourquoi les frères Sanguinet se sont joints aux Patriotes pour s’opposer aux Britanniques qui dominaient le commerce et accaparaient tous les avantages aux dépens des Canadiens. Ce mouvement a été une belle tentative de prise en main de nos ancêtres, à une époque où l’on ne disposait pas des moyens modernes pour communiquer.

Hélène Trudeau,

Candiac

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