Opinion

Lettre : les organismes communautaires ne vous appartiennent pas

le mercredi 04 juillet 2018
Modifié à 14 h 42 min le 04 juillet 2018
Par Hélène Gingras

helene_gingras@gravitemedia.com

Lettre aux maires et aux mairesses du Québec, Nous vous interpellons sur la question de l’autonomie des organismes d’action communautaire autonome.  Nous sommes 4 000 organismes répartis partout au Québec. Vous nous connaissez. Vous nous soutenez. Vous savez à quel point nous sommes indispensables pour le tissu social de vos villes et comment nous sommes créatifs pour trouver des solutions adaptées aux besoins des citoyen.nes. Pourtant, malgré le fait que nous sommes des partenaires et des alliés naturels de longue date, nous avons de plus en plus de difficulté à nous faire respecter par vos administrations publiques et nous subissons des pressions constantes pour offrir des services répondant aux besoins des municipalités. Or, les organismes d’action communautaire autonome n’appartiennent ni aux municipalités, ni aux gouvernements, ni aux fondations privées. Ils appartiennent aux communautés qui les ont créés et qui les administrent via un conseil d’administration élu démocratiquement. À ce titre, ils sont libres et légitimes d'avoir le plein contrôle de leurs missions, leurs activités et leurs orientations. Récemment nous avons été consternés d'apprendre que la Maison des jeunes de Saint-Constant s'est fait retirer un soutien de la ville représentant le tiers de son budget, avec un avis d'expulsion des locaux. Ainsi, plutôt que de continuer à soutenir un organisme connu des jeunes, Saint-Constant a choisi de créer un service similaire sur lequel elle exercera le plein contrôle de la programmation et de la gestion. Certes la ville a le droit légal d’offrir des services. N'en demeure pas moins que le résultat sera dévastateur pour la motivation des jeunes et pour la communauté qui s'investit depuis plus de 25 ans dans la MDJ et qui s'ingénie à créer des solutions adaptées aux besoins exprimés par les jeunes. Cette coupure financière et cette relocalisation auront tout simplement pour effet de fragiliser l’organisme pouvant même entraîner sa fermeture. À long terme, c’est la ville qui sera la grande perdante en se privant de la vitalité et de la créativité des gens de sa propre communauté. Les MDJ ne sont pas des prestataires de loisirs au service des municipalités. Elles sont des lieux de prévention et de participation citoyenne où les adolescent.es sont partie prenante du choix des orientations et de la programmation des activités afin de devenir des citoyen.nes critiques, actif-ives et responsables. Nous souhaitons que Saint-Constant ne crée pas de précédent et que les municipalités de tout le Québec fassent le choix de faire confiance aux communautés. Nous souhaitons également que Saint-Constant revienne sur sa décision afin que la MDJ continue d’offrir un milieu de vie respectant la mission et les objectifs du projet maison des jeunes. Il est pour nous inacceptable que certaines villes utilisent leur pouvoir de bailleur de fonds afin d’exercer un contrôle sur les organismes. Le résultat est une perte flagrante de l'exercice démocratique et une détérioration du pouvoir des citoyen.nes sur leur propre communauté et avenir. Tout comme vous, nous avons à cœur le développement social, mais nous pensons que celui-ci doit se faire par et pour les gens de la communauté qui administrent, depuis 50 ans, des milliers d’organismes communautaires avec diligence et transparence. Aujourd’hui, nous vous tendons la main pour ouvrir un dialogue sur le respect de l’autonomie de nos organismes. Nous souhaitons que vous tendiez la vôtre en retour afin que nous puissions travailler ensemble pour préserver l'un des piliers de notre filet social. Caroline Toupin, Réseau québécois de l’action communautaire autonome et Nicholas Legault, Regroupement des maisons des jeunes du Québec, ainsi que plus de 200 organismes et travailleurs.es du milieu communautaire