Opinion

Lettre ouverte : Quand le ministre de l’Éducation offre une vaste sélection d’insultes

le mercredi 13 mars 2019
Modifié à 16 h 37 min le 13 mars 2019

C’en est presque risible: alors que tout récemment à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge dénigrait nommément les éducatrices à la petite enfance en affirmant qu’elles n’avaient pas les compétences nécessaires pour s’occuper de jeunes enfants, voilà qu’il fait maintenant appel à elles pour occulter son évident manque de compréhension de la réalité. Alors qu’on peut lire dans Le Devoir du 5 mars que le «ministère de l’Éducation doit vraiment répondre à un besoin à court terme des commissions scolaires», il est urgent de souligner que la question des maternelles 4 ans n’est pas un dossier à envisager à court terme, puisqu’il est question de l’avenir de plusieurs générations d’enfants. C’est désespérant d’absurdité et d’ineptie. Le Ministre parle d’accorder un délai de 10 ans à des éducatrices, des spécialistes en éducation à la petite enfance, pour suivre une formation universitaire qui leur permettra de combler le manque de personnel enseignant. D’abord, il montre encore une fois que son but est de scolariser les enfants de moins de 5 ans, ce qui, à la lumière des recherches et de l’exemple que nous donnent les systèmes éducatifs efficients, est déjà une aberration en soi; puis, il nous dit le plus sérieusement du monde que pendant 10 ans, les enfants du Québec fréquenteront un système scolaire sans enseignantes qualifiées? Dix années d’élèves sacrifiés, c’est ce que le ministre de l’Éducation considère comme étant un geste responsable, respectueux de l’avenir de nos enfants? Le réseau des CPE considère qu’une connaissance fine du développement de l’enfant de 0-5 ans est une spécialité professionnelle, qui ne correspond en rien à la tâche d’enseignante. Le rôle d’une éducatrice à la petite enfance n’est pas d’enseigner, et la place des enfants n’est pas dans une école. Elle est dans tout lieu où ils pourront se développer à leur rythme, soutenus par des adultes signifiants et bienveillants, où l’environnement physique et humain correspond à leurs besoins réels d’apprentissage par le jeu. La place d’un enfant est dans tout lieu où il pourra passer sa journée entière avec les mêmes adultes pendant les temps d’arrivée, de jeu, de repas, de repos, et jusqu’au départ vers la maison. Un lieu, donc, où la stabilité du personnel constitue une priorité absolue. Le RCPEM est la plus ancienne association de services de garde au Québec et qu’il offre depuis plus de 40 ans un programme de formation continue à l’ensemble du personnel éducatif du réseau à la petite enfance. La lutte contre la scolarisation précoce a toujours été l’une de ses préoccupations, de même que la défense du droit des enfants à des milieux éducatifs de qualité qui répondent à leurs réels besoins développementaux.   Claudette Pitre-Robin, directrice du Regroupement des centres de la petite enfance de la Montérégie (RCPEM)