Opinion

L'homme rapaillé

le jeudi 09 juin 2016
Modifié à 0 h 00 min le 09 juin 2016
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Le billet du 8 juin 2016 d'Hélène Gingras.

Vous arrive-t-il de ne pas savoir quoi dire ni quoi faire devant quelqu'un qui vit un drame?

Il y a quelques jours, je suis allée voir Réjean dans un camping du coin. Je l'ai trouvé en plein chantier. Du bois, des briques et des objets un peu partout sur son terrain. À faire du ménage. Un peu dépassé par l'ampleur de la tâche. Parce que le septuagénaire a accumulé beaucoup de choses en plus de 20 ans.

La veille, il était passé au Journal dans l'espoir qu'on puisse faire quelque chose pour lui. Pour l'aider. Lui trouver une solution. Ou de lui refiler un contact.

J'avais promis de passer le voir chez lui. Dans la petite maison qu'il habite six mois par année dans un camping. Parce qu'il passe le reste de l'année au chaud. En Floride. N'allez pas croire pour autant qu'il est riche. Il m’a dit la pension mensuelle qu'il touche pour vivre. C'est sous le seuil de la pauvreté. Sous le soleil de Cap Canaveral, il crèche dans un motorisé pour moins cher qu'ici pendant l'hiver.

À son retour en mai, le snowbird a appris une mauvaise nouvelle. Pour une raison légale, la direction du terrain de camping a dû demander à certains locataires de déménager sur un autre terrain. Ou de tout nettoyer. Et de quitter.

«Je ne peux même pas me payer un conteneur si je voulais démolir, m'a-t-il dit. Et puis, je n'ai même pas les moyens de me prendre un appartement avec ma pension. C’est ici que j’habite.»

Réjean a entrepris des démarches pour que quelqu'un l'aide à déplacer sa petite maison. Ce n'est pas qu'il n'a pas essayé par lui-même. À preuve, les deux jacks d'auto glissés sous la devanture avant de sa maison. Tout a bougé. Et semble tenir dans une position précaire. 

Quand je suis passée, il attendait des nouvelles d'un entrepreneur qui possède une remorque. Dans l'espoir qu'il puisse soulever sa petite maison pour l'amener quelques terrains plus loin. En se croisant aussi les doigts pour que la facture ne soit pas trop salée.

Je lui ai dit de me donner des nouvelles. Advenant que ça ne fonctionne pas.

Le laissant à tenter tant bien que mal à rapailler sa vie pour ne pas la perdre.