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L'invraisemblable histoire d'un casque militaire

le jeudi 21 novembre 2019
Modifié à 8 h 51 min le 21 novembre 2019
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Pierre Audet vit des émotions partagées lorsqu’il pense au Raid de Dieppe le 19 août 1942, lors duquel son père Gérard Audet a été fait prisonnier par les Allemands. Autant il a la gorgée nouée à penser aux atrocités qu’a vécues son père qu’il s’émeut que son petit-fils ait réussi à retrouver son casque militaire 75 ans plus tard. «C’est une grosse histoire pour moi, avoue le résident de Sainte-Catherine en prenant une grande respiration pour espacer les sanglots dans sa voix, parce que je n’arrive pas en parler normalement…» Mais il veut tellement rendre hommage à son petit-fils Léandre Marsolais, 12 ans, de Gatineau, que Pierre Audet s’ouvre un peu. Il raconte que son père était membre des Fusiliers Mont-Royal et qu’il a été fait prisonnier avec son frère Roger au petit matin sur les plages pendant la Seconde Guerre mondiale. L’événement a été abondamment documenté, contrairement à la suite. Plus de 2 000 soldats canadiens ont été capturés, alors que 1 000 autres ont trouvé la mort. «Mon père a vécu toutes sortes d’horreur, poursuit-il difficilement. Il a été battu, il a dû manger dans les poubelles. Il a transporté sur son dos son frère pendant les jours avant leur libération parce que celui-ci avait une hernie… Je ne peux pas croire qu’un être humain puisse faire vivre ça à d’autres.» [caption id="attachment_76216" align="alignleft" width="308"] Léandre Marsolais et son grand-père Pierre Audet. Ils tiennent dans leurs mains la photo de Gérard Audet.[/caption] La santé hypothéquée, son père ne voulait pas vraiment en parler. Le Jour du Souvenir, le 11 novembre, Pierre Audet se rappelle que ce dernier buvait, contrairement au reste de l’année. Quand Gérard Audet est décédé à la fin des années 1980, son fils Pierre a hérité du coffre de souvenirs de cette époque qu’il gardait caché sous son lit. Celui-ci contenait des miettes de pain du camp de concentration, des cartes postales écrites à sa famille, un petit calepin de notes et une ceinture nazie qui appartenait à un officier de l’aviation allemande. [caption id="attachment_75872" align="alignleft" width="444"] L'intérieur du casque portait le nom et le numéro de matricule du soldat Gérard Audet.[/caption] Découverte inattendue Le coffre est passé aux mains de son petit-fils en 2017, alors qu’il avait 10 ans. Léandre Marsolais a voulu en savoir plus sur ce qui était arrivé à son arrière-grand-père. À force de recherches et de consultations, il est arrivé à reconstituer des grandes parties du parcours de celui-ci; sa visite à l’hôpital après sa capture, sa déportation en train jusqu’au camp de concentration et sa libération plus de deux ans plus tard. Il y a un mois, il a même réussi à retrouver son casque militaire, grâce à l’aide de l’auteur québécois Nicolas F. Paquin, qui s’intéresse au Raid de Dieppe. «Dans le monde de l’histoire militaire, ça tient de l’histoire de Cendrillon, avoue M. Paquin. Et ça permet de reconstituer le trajet d’un homme qui a vécu cet événement.» C’est par hasard que ce dernier a trouvé le casque dans la collection privée d’Hervé Fihue, en Normandie, grâce au nom et au numéro de série à l’intérieur. M. Fihue tenait des expositions sans savoir à quel soldat canadien appartenait l’objet ni être certain que le combattant avait participé au Raid de Dieppe. Il avait aussi la photo de Gérard Audet sans pouvoir davantage l’identifier. C’est grâce à Léandre, qui avait lui aussi la même photo de son arrière-grand-père, que l’histoire a pu s’écrire.
«J’ai travaillé fort, mais je ne pensais pas que mes recherches feraient autant boule de neige.» -Léandre Marsolais [caption id="attachment_75871" align="alignright" width="349"] Gérard Audet photographié dans le cadre de la propagande Reich quelques heures après avoir été capturé.[/caption]
«La photo de Gérard a été prise moins de 24 heures après le terrible raid, lorsque la propagande nazie est venue à l’usine de Saint-Nicolas-d’Aliermont pour photographier les prisonniers canadiens, explique l’auteur. Les Canadiens devaient avoir eu pour directive, s’ils se faisaient capturer, de sourire pour ne pas se montrer invaincus. Gérard, lui, a choisi d’ignorer le photographe en regardant ailleurs.» Léandre Marsolais aimerait éventuellement se rendre en France afin de pouvoir toucher au casque de son arrière-grand-père. Un morceau manquant Grâce à l’aide de l’ex-député fédéral de La Prairie Jean-Claude Poissant, la famille Audet a pu mettre la main sur le dossier militaire de Gérard Audet. Elle veut maintenant obtenir le dossier de la Croix-Rouge. «On aimerait savoir ce que la Croix-Rouge sait sur les conditions de détention qui prévalaient dans les camps et les conditions de retraite des Allemands pour évacuer les camps de concentration», mentionne Geneviève Audet, fille de Pierre Audet. Sur cette vidéo, Nicolas F. Paquin s'adresse à Léandre Marsolais pour lui dire quelle découverte il lui a permis de faire... https://www.facebook.com/nicolas.paquin.12/videos/vb.100002848861435/2135643843207224/?type=2&video_source=user_video_tab