Culture
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Longueuil, le décor de District 31

le lundi 16 décembre 2019
Modifié à 16 h 36 min le 16 décembre 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Patrick, Bruno et leurs collègues partent en trombe dans leur autopatrouille pour pincer un membre d’un réseau de vols d’organes; Laurent Cloutier coule des bribes d’informations à son chum Daniel Chiasson; Jean Brière interrompt une sérieuse discussion entre membres «du 31» au restaurant. En trame de fond, un point commun relie ces scènes: Longueuil. À voir: la carte des lieux de tournage! Cliquez sur les puces pour voir des photos de scènes tournées à ces endroits. Planter l’équipe du Service de police du Grand Montréal – plus communément nommé SPGM – dans le décor de Longueuil s’est d’abord imposé pour une question logistique pour l’équipe de production de District 31. Après la première saison tournée à Montréal, la construction de la nouvelle maison de Radio-Canada a exigé de déplacer le tournage dans les studios MELS de l’arr. de Saint-Hubert, près de l’aéroport. Pour une plus grande efficacité, l’ensemble des scènes sont donc tournées à Longueuil, à proximité des studios. Une bonne collaboration avec la Ville facilite aussi le travail du directeur des lieux de tournage Pierre Bédard. Pour décrire le rythme qu’impose le tournage d’une quotidienne comme District 31, il évoque une locomotive. Derrière les quatre épisodes hebdomadaires se cache une semaine de 50 heures de tournage. Une cadence qui exige une grande proactivité de la part de l’équipe de préparation. Au compte-goutte
Restaurant L’Eggsquis, sur le chemin de Chambly
En début de saison, Pierre Bédard tient entre ses mains le scénario de quelques semaines. Il peut alors prendre de l’avance pour dénicher les maisons, rues, édifices municipaux et autres lieux publics qui serviront aux prochaines semaines de tournage. Un luxe qui se perd au fil de la saison, alors qu’il reçoit les textes sur une base hebdomadaire. «Là, on est vendredi et j’ai pu tout régler pour la semaine prochaine; c’est coulé dans le béton. Mais ce qu’on doit faire la semaine suivante, je n’en ai aucune idée. Je recevrai les textes peut-être ce soir ou pendant la fin de semaine», illustre-t-il. «Ça demande d’être en repérage tout le temps, d’être à l’affut, dans le vif et le concret.» Son assistant a par exemple photographié la nouvelle école d’hôtellerie, voisine du Marché public. Elle a déjà servi, et pourrait à nouveau être utilisée. Comme la production ne compte pas de direction artistique attitrée à temps plein, c’est le directeur de tournage, épaulé par la décoratrice, qui proposera des sites à l’équipe de préparation des lieux, parmi une banque de photos qu’il a cumulées. Cette équipe, changeante tout au long de la saison, est composée du réalisateur, du directeur photo et du premier assistant-réalisateur. Portes ouvertes
L’Gros Luxe, fort populaire dans la série
Lorsqu’il est temps de trouver l’appartement ou la maison d’un personnage, Pierre Bédard recherche des lieux demandant le moins d’altérations possible avant de passer devant la caméra. Vider en entier une résidence, la décorer et la meubler pour le besoin d’un tournage est une pratique plus courante au cinéma.
«C’est plus payant de mettre quelqu’un sur la route, qui trouve des décors qui conviennent en grande partie à l’action ou au personnage, relève Pierre Bédard. Des fois, il s’agit juste de féminiser ou de masculiniser un environnement.» Trouver ces lieux, mais surtout convaincre les propriétaires de prêter leur demeure, s’avère l’un des grands défis du métier. Pas moins de 1,5 millions de cotes d’écoute change néanmoins un peu la donne. «L’émission est très populaire, ça nous aide beaucoup pour approcher les gens. Ils ont de l’empathie. Les portes s’ouvrent plus qu’à l’habitude», reconnait celui qui exerce la profession depuis une vingtaine d’années. Depuis le début de l’aventure District 31, Pierre Bédard a su établir de bonnes collaborations avec divers commerces qui font leur apparition à quelques reprises durant la saison. C’est le cas entre autres de certains restaurants de la rue Saint-Charles, que les habitués de la série auront sans doute reconnus. Le directeur des lieux de tournage sera le premier arrivé sur le plateau, en compagnie du propriétaire, qui lui donne accès au lieu. «Pour les convaincre d’accepter et avoir la certitude qu’ils seront là, ça m’est déjà arrivé d’aller les chercher chez eux, très tôt le matin.» Exiger la fermeture pour plusieurs journées – comme il peut arriver avec un film – serait trop dispendieux. Ces scènes doivent donc être tournées en dehors des heures d’ouverture. Chaque épisode compte un budget d’environ 110 000$ à 115 000$, incluant les frais de studio, la main-d’œuvre, etc. «Ça paraît beaucoup, mais ce n’est pas tant que ça, nuance Pierre Bédard. Quand on pense que quatre épisodes donnent 120 minutes, c’est comme si, avec 460 000$, on tournait un film chaque semaine.»   Métier: directeur de lieux de tournage Au Québec, on compte moins d’une centaine de directeurs de lieux de tournage qui y travaillent de façon régulière. «Je suis comme l’agent d’immeuble de la production», évoque Pierre Bédard pour décrire son métier. Le «système D» et l’entregent sont parmi les aptitudes les plus précieuses pour exercer son métier, estime-t-il. Quand le directeur des lieux de tournage flaire, de l’extérieur, le potentiel d’une maison, le plus dur commence: cogner à la porte, expliquer que l’on voudrait voir l’intérieur de la demeure car, semble-t-il, elle pourrait être parfaite pour le tournage d’un film – pas toujours connu. «Quand tu réussis à entrer, c’est un exploit», résume-t-il. Bien connaître les recoins de la ville est aussi un atout. «Avant, il n’y avait pas Google Maps; je me servais de cartes. Si on avait besoin d’un entrepôt, je savais où aller.» Sa banque de photos n’était pas non plus sur disque dur. Elles étaient imprimées sur de grandes feuilles 8 X 14, toutes les photos d’une maison classées dans une chemise, lesquelles étaient entassées dans des boîtes de lait. «C’était fastidieux», se remémore M. Bédard. Avant d’être débusqueur de sites, Pierre Bédard a été guide touristique à l’étranger et a suivi un cours pour devenir guide de la Ville de Montréal. «Je connais bien la ville, les routes, l’histoire. Je suis un féru d’histoire.» Le lien avec son actuelle profession est clair, mais c’est comme technicien de décor qu’il a fait ses premiers pas dans le monde de la production télé et cinéma. Lorsqu’il a appris la définition de tâche de ce que l’on appelait à ce moment «régisseur d’extérieur», il a su que c’était pour lui. «Dans la gang de techniciens, on me dit parfois qu’on ne ferait pas ma job. Ce n’est pas un métier facile, mais je ne ferais pas la leur non plus!»