Opinion

Manifeste de la médecine générale de la Montérégie-Ouest

le jeudi 11 mars 2021
Modifié à 10 h 48 min le 10 mars 2021
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Ça ne va plus dans le réseau de la santé en Montérégie-Ouest, notamment en raison d'un cafouillage administratif, dénoncent des médecins. Gravité Média a obtenue copie d'une lettre, datée du 4 février, qui a été envoyée aux élus de la région. La voici publiée intégralement:   Objet : Dénonciation d’une situation préoccupante Chères élues, chers élus, Nous vous interpellons sans délai pour vous sensibiliser à la situation périlleuse dans laquelle se trouve la population de vos circonscriptions. Le territoire de la Montérégie-Ouest a toujours fait l’objet de plusieurs carences en termes de personnel soignant, mais la pandémie actuelle expose au grand jour des circonstances intenables et dangereuses, causées par une gestion franchement désorganisée de ce personnel soignant par la direction du CISSS de la Montérégie Ouest. La pandémie nous force à faire des choix déchirants, mais il est dans l’intérêt collectif de prioriser certaines activités et secteurs. Il était bien important de combler les besoins à l’hôpital et en centre de soins de longue durée d’abord et avant tout. Il était important d’épargner les hôpitaux en soignant nos aînés atteints de la COVID dans des aires de soins communautaires localisées dans des hôtels ou en CHSLD qui accueillent des patients atteints de la COVID habitant en résidence ou dans la communauté, mais dont l’état de santé ou le niveau de soins ne requiert pas le plateau technique de l’hôpital. Pour répondre à ces besoins, les médecins de famille sur le terrain se sont coordonnés et mobilisés promptement comme jamais auparavant et avec succès, afin de couvrir l’ensemble du territoire en fonction des éclosions. C’est dans ce contexte qu’un grand délestage de personnel soignant a été effectué par décision du MSSS afin de couvrir ces activités de soins prioritaires. Le délestage provient non seulement de la réduction de certaines activités hospitalières, mais par une réaffectation de 100 % des effectifs infirmiers des GMF. Nous avons consenti à cette action, sachant pertinemment que cela aurait des répercussions très importantes sur l’offre de service à la patientèle ambulatoire en clinique, avec l’espoir d’une amélioration dans les soins offerts aux plus vulnérables. Or, malgré tous les efforts consentis par les médecins et le personnel au front, nous nous expliquons mal l’apparente difficulté de bien répartir et prioriser les effectifs délestés. La première ligne a su répondre à l’appel, mais la coordination et la mobilisation du personnel soignant délesté du CISSSMO, elle, n’a pas suivi. En tant qu’habitués de la co-gestion avec le CISSSMO, nous voyons pertinemment que la pénurie de personnel évoqué par la direction n’explique pas entièrement la situation, qui émane plutôt d’un manque de vision globale et de gouvernance de la haute direction du CISSS. Selon la LSSS, il est de la responsabilité de l’établissement d’assurer aux usagers la prestation sécuritaire des services de santé et des services sociaux. Nous pensons que l’établissement a failli à sa tâche. À titre d’exemple, nous constatons que les aires de confinement peinent à ouvrir à la hauteur de leur capacité en raison d’un manque d’infirmières alors que les médecins sont prêts à déployer les efforts nécessaires. Les répercussions de ces bris de service se font sentir au niveau de l’urgence comme point de chute qui doit accueillir des patients souvent en détresse dans un environnement mésadapté à leur condition sans oublier que cela accapare des ressources non négligeables et augmente le risque de contamination hospitalière. Cette situation préoccupante, parmi tant d’autres, est dangereuse pour notre population et en tant que cliniciens, un sentiment d’exaspération nous habite lorsque nous devons constamment rectifier le tir. Malheureusement, nous observons déjà des conséquences d’une gestion douteuse des ressources humaines : des décès et des souffrances évitables qui laisseront des traces indélébiles au sein de nos communautés. Ainsi, nous dénonçons le manque d’action, de coordination et le cafouillage perpétuel en lien avec la gestion du personnel qui ne peut s’expliquer singulièrement que par la pénurie et qui a un impact sévère et irréversible sur nos concitoyennes et concitoyens. Nous avons bien peur que cela ne soit que la pointe de l’iceberg et que des problèmes fondamentaux constituent la source de ce désordre. Veuillez agréer nos sincères salutations, Dr Sylvain Dufresne Coordonnateur médical 1re ligne du RLS Vaudreuil-Soulanges Dr Rémy Chérisol Coordonnateur médical 1re ligne du RLS du Suroît Dre Catherine Bélanger Coordonnatrice médical 1re ligne du RLS Haut St-Laurent Dr Félix Le-Phat-Ho Coordonnateur médical 1re ligne du RLS Jardins-Roussillon Dr Mitchell Germain Chef du département de médecine générale du CISSSMO Dre Michèle Lemay Chef-adjointe du département de médecine générale du CISSSMO