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Ni fille ni garçon

le mercredi 05 mai 2021
Modifié à 13 h 09 min le 05 mai 2021
Par Vicky Girard

vgirard@gravitemedia.com

Âgé de 13 ans, Sam ne s’identifie ni comme une fille, ni comme un garçon, mais plutôt comme une personne non binaire. Après avoir traversé un processus personnel qui peut sembler a priori complexe, il décrit sa transition aisément. À lire aussi: L’importance du soutien pour les jeunes en transition de genre et leur entourage L’usage du pronom il et du prénom Sam est un choix que l’adolescent de Saint-Constant a fait. Né fille, le terme «elle» a été la source de ses premiers questionnements vers l’âge de 10 ans. Celui-ci le rendait inconfortable. En français, le pronom officiel pour les personnes non binaires est iel, une appellation avec laquelle il n’est toutefois pas à l’aise. «Mes amis disent aussi ils ou eux pour me définir. C’est la traduction directe du terme They utilisé en anglais», explique-t-il. C’est d’ailleurs lorsque ses amis lui ont demandé comment il souhaitait se faire appeler qu’il a trouvé son nouveau prénom. «Je cherchais quelque chose que j’aimais qui n’était ni féminin ni masculin. J’ai eu un coup de cœur pour Sam», dit-il. Ces décisions ont suivi un processus éprouvant pour l’adolescent. «Ç’a été difficile de comprendre qui j’étais, autant que ça été le cas pour les gens autour de moi. Quand on est enfant, on nous dit fille ou garçon, pas que d’autres options existent», formule-t-il. Sam raconte avoir cru que son malaise allait passer. «Je m’étais toujours fait appeler elle, alors je ne comprenais pas pourquoi je me sentais ainsi», confie-t-il. Deux ans plus tard, le sentiment ne s’était pas résorbé. La lecture d’un livre à la bibliothèque scolaire qui abordait les options d’identité de genre a été un déclic. Comme il craignait de demander de l’aide, en raison du jugement notamment, il a entrepris de faire des recherches seul de son côté. «J’ai trouvé plein de choses, mais j’ai vite compris que non binaire était ce à quoi je m’identifiais vraiment», fait-il savoir. Les premiers avec qui il en a discuté sont ses amis. «J’ai commencé à parler de moi-même comme une personne non binaire, et j’ai vraiment aimé ça. Puis, je le leur ai dit, parce que j’étais plus confortable qu’avec mes parents», admet-il en ajoutant que ceux-ci ont été inclusifs et ont très bien réagi.
«J'ai éduqué mon enfant dans l'ouverture et l'accueil des différences, ce serait incohérent de rejeter ce qu'il devient. Je n'ai pas perdu ma fille, j'ai gagné un enfant libre.» -Virginie Bernier, mère de Sam
Pas une question d’apparence La transition de Sam ne repose pas sur son apparence physique. Néanmoins, il confie que, présentement, sa poitrine lui donnant des formes féminines est un élément dérangeant. «C’est important de savoir qu’être non-binaire, ce n’est pas vraiment lié à cela. Il n’y a pas de standards physiques. Tu peux avoir une poitrine ou une barbe. C’est une question de confort dans son corps», explique celui qui préfère dissimuler ses formes et qui a coupé ses cheveux pour se sentir mieux. Aujourd’hui, il est confiant au point de créer sa propre case lorsqu’il doit s’identifier sur un formulaire. Il affirme fièrement que sous féminin ou masculin, il en ajoute une en écrivant non binaire. Il fait d’ailleurs remarquer qu’il y a plus d’individus qu’on pense dans sa situation, peu importe l’âge, mais qu’on ne les reconnaît pas, «justement parce qu’il n’y a pas de normes physiques». «Je sais que les gens vont continuer à me considérer comme une fille en me voyant, mais j’ai toujours l’impression de manquer de respect aux gens en leur disant que je suis non binaire. Les gens qui comptent pour moi le savent, font des efforts et me comprennent. C’est l’important», dit-il. [caption id="attachment_108323" align="alignleft" width="444"] Photo: Le Reflet - Denis Germain[/caption] Pour les parents Quand l’adolescent a annoncé son identité de genre à ses parents, sa démarche est devenue officielle, souligne-t-il. Virginie Bernier, sa mère, ne cache pas qu’elle et le père de Sam ont été surpris. «C'était soudain et inattendu et on croyait à une exploration comme tant d'autres à l'adolescence», témoigne-t-elle. Puis, devant le stress et les questionnements de leur enfant, les parents sont allés chercher du soutien pour toute la famille. «Il faut s'adapter, ça demande du temps, de la compréhension et de la bienveillance. Notamment pour cesser de l'appeler par le prénom que nous lui avions donné à la naissance», ajoute Mme Bernier. À son sens, le travail des parents consiste à aimer son enfant inconditionnellement et à maintenir un dialogue. Suivi psychologique Sam voyait la psychologue de son école, mais pour d’autres raisons que son identité de genre, précise-t-il. «Mes parents ne savaient pas que j’étais si certain de mes choix, mais elle l’a réalisé après un suivi. Cette année, je me suis beaucoup plus affirmé et on a fait des pas plus importants», partage Sam. En plus des changements apportés à ses documents d’identification, il a maintenant accès à des toilettes non genrées, puisqu’il était inconfortable avec le choix de franchir une porte avec un symbole d’homme ou de femme. Il confie s’être senti validé grâce à cela. Michelle Savaria, psychologue au Centre de services scolaire des Grandes-Seigneuries (CSSDGS), explique que dans des cas comme celui-ci, une rencontre est effectuée avec l’élève pour que des mesures soient mises en place dans l’école, «au rythme du jeune». «L’identité de genre se développe avec le temps et c’est vraiment unique à chacun. C’est personnel et complexe», dit-elle. La psychologue s’occupe de partager l’information au personnel scolaire «pour que ce soit simple pour le jeune, puisque c’est compliqué d’expliquer à tout le monde comment il se sent». L’équipe-école, les autres élèves et leurs parents sont sensibilisés, puisqu’ils peuvent ressentir un malaise. «Ça demande des ajustements pour tout le monde. On fait tout pour que tous se sentent bien à l’école. Chaque jeune a un droit fondamental de s’identifier comme il veut», affirme Mme Savaria.