Opinion

Une partie de la Montérégie en deuil

le mercredi 25 juillet 2018
Modifié à 9 h 39 min le 25 juillet 2018
Nous voici plongés dans un deuil régional. J’ai peut-être inventé le terme, mais je suis persuadée que je ne me trompe pas en disant que ce que je ressens, toute la communauté des municipalités où le Dr Hétu œuvrait le ressent également. Il a exercé plus de 50 ans dans le milieu rural (Saint-Chrysostome, Sainte-Clotilde, Howick, Ormstown, Havelock, etc.). Il a arpenté de jour, de nuit, la semaine comme la fin de semaine, les rues, les chemins de terre, les maisons isolées pour courir au secours des gens malades et dans le besoin. Avec sa voix forte, mais oh! combien rassurante dès qu’il prenait la parole, sa belle chevelure grise et sa barbe de sagesse, tout devenait moins tragique, la douleur moins forte et les soucis moins graves. C’était plus qu’un simple médecin de famille. Il a accouché au moins la moitié des femmes de notre communauté et je ne suis pas peu fière de préciser que sa première patiente fut ma mère. Le Dr Hétu était un homme plus grand que nature, un peu cliché comme qualificatif, mais tellement réel. Le 14 juillet, j’ai eu le très grand privilège de m’entretenir avec lui, j’ose même dire l’honneur, de passer un peu de temps à ses côtés. Il était très affaibli par la maladie; ses yeux étaient rayonnants quand il m’a vue. Je me suis assise près de lui, je lui ai tenu la main – ce n’était plus la grosse main ferme et rassurante que j’avais entre les miennes, mais plutôt une main fragile remplie de vulnérabilité -. Je lui ai donné quelques glaçons et je le lui ai dit: «Maintenant cher Dr Hétu, les rôles sont inversés, c’est à moi de vous parler. Je suis ici pour vous dire à quel point vous avez changé le cours de nos vies. Vous avez une panoplie de secrets qui, nous le savons très bien, n’ont jamais été divulgués dans le but de respecter l’honneur des gens. Vous avez appris à toute notre communauté à être bonne, fière, solidaire. Si nous sommes ce que nous sommes, c’est grâce à vous!» Il m’a regardée les yeux remplis de larmes et il m’a dit «J’ai fait mon possible…». «Non, non, non, vous avez fait l’impossible !» J’ai caressé son visage, je lui ai fait un énorme câlin et je lui ai dit merci, merci au nom de la communauté, mais aussi au nom de la société. En reprenant la route pour retourner chez moi, une panoplie de souvenirs remonte à ma mémoire …. Que nous vous aimons cher Dr Hétu, nous avons été choyés de vous avoir. Aujourd’hui (15 juillet), je viens d’apprendre que son corps est finalement libéré. Il peut se reposer maintenant. Il nous a appris à pêcher le poisson plutôt que nous le donner. Nous sommes donc en mesure de continuer à faire de notre communauté, une communauté tissée serrée. Il nous a aussi appris qu’il ne faut jamais oublier d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Il est sûrement déjà au paradis. En son honneur et dans le but de prendre le temps de se souvenir, nous demanderons aux différentes municipalités de mettre leur drapeau en berne. Nous pourrons ainsi laisser couler nos larmes une dernière fois. Francine Laplante Originaire de Sainte-Clotilde