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COVID-19

VIDÉO - Destination CHSLD plutôt que le Portugal

le mercredi 20 mai 2020
Modifié à 17 h 03 min le 20 mai 2020
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Contrôleur aérien de profession, Pierre Gaumond avait prévu visiter le Portugal ces jours-ci. Obligé de changer ses plans en raison de la COVID-19, le Sainte-Catherinois a décidé de faire œuvre utile. Il a prolongé ses vacances, afin de travailler pendant un mois dans un CHSLD de Montréal. Entrevue avec un citoyen engagé.   «Si on veut atteindre une certaine immunisation sociale, il va falloir qu’une partie de la population contracte la COVID-19. Je pourrais l’attraper en allant à l’épicerie ou en travaillant. J’ai choisi la deuxième option», explique sans détour l’homme de 52 ans. Il ne cache pas néanmoins que «toutes les planètes étaient alignées pour lui» et qu’il a auparavant «discuté en long et en large» avec son épouse. Ils ont notamment dû aussi se réorganiser pour faire des livraisons sans contact aux parents de cette dernière. M. Gaumond dort dans son garage et prend sa douche à l’extérieur. «C’est un gros sacrifice pour mon épouse, mais je ne pouvais pas manquer le bateau, poursuit-il. J’aurais voulu faire plus.» Citoyen engagé, M. Gaumond ne peut concevoir actuellement que des Québécois sans emploi préfèrent empocher 1250$ ou 2000$ par mois à titre de compensation plutôt que de travailler, alors que les besoins sont criants. «Il faut faire quelque chose si on veut, de un, que notre économie reprenne un jour et, de deux, qu’on essaie de limiter le nombre de morts. Ce n’est pas seulement la COVID-19 qui tue, mais aussi le manque d’initiative et de dévouement du peuple québécois. Les leaders doivent se lever», réclame-t-il
«Je ne sais pas si c’est un don de soi ou de l’inconscience, autant pour moi que pour mon épouse si je suis contaminé.» -Pierre Gaumond https://www.dailymotion.com/video/x7u1ju1
Détresse chez les bénéficiaires Après avoir suivi une formation offerte par la Croix-Rouge sur l’équipement de protection individuelle, il a été embauché au CHSLD de Grace-Dart à titre d’aide de service. M. Gaumond travaille en «zone tiède», c’est-à-dire qu’il y a des cas de coronavirus sur son étage, mais qu’il n’est pas en contact direct avec eux. Au moment de l’entrevue avec Le Reflet, il avait fait deux quarts de travail. Il s’apprêtait à se rendre à son troisième le jour même en après-midi, une pile de magazines neufs sous le bras pour les bénéficiaires, afin remplacer ceux qu’ils ont lu 100 fois. Il voulait aussi acheter un livre à colorier pour une dame qui a terminé le sien et apporter des DVD à un autre résident. [caption id="attachment_86573" align="alignright" width="280"] Pierre Gaumond a aménagé un lit dans son garage pour limiter ses contacts physiques avec son épouse quand il rentre du travail.[/caption] «La plus grosse problématique que je constate, c’est qu’on fait face à quelque chose qui n’a jamais été vu. Tous les protocoles qui sont en place depuis 20 ans sont complètement modifiés. C’est comme construire un avion en plein vol», observe-t-il. Le personnel est également fatigué, alors que le manque de main-d’œuvre est criant, et ce, malgré que des militaires déployés à cet endroit donnent «un gros coup de main» aux préposés. «On m’a aussi demandé de faire des chiffres doubles», témoigne-t-il. La détresse psychologique des bénéficiaires est aussi importante, constate M. Gaumond. Leur vie s’est arrêtée à la mi-mars. Leur routine a été modifiée, certains ont été déménagés d’aile et ils peinent à reconnaître les employés sous leur masque et habillement, plus pressés que jamais. «Le premier soir, je trouvais que je n’avais pas fait grand-chose et une préposée aux bénéficiaires m’a rassuré, raconte-il. Elle m’a remercié de prendre le temps de m’asseoir pour établir des relations et discuter avec eux parce que personne n’a pu le faire depuis le début de la crise.» Depuis, il s’efforce de prendre du temps avec eux. Il donnera son salaire Pierre Gaumond voulait être bénévole, mais ses démarches auprès du site Web du gouvernement «je contribue» n’ont jamais donné de résultat. C’est ainsi qu’il s’est fait embaucher. L’aide de service n’a toutefois pas l’intention de garder son salaire. Il en fera don au complexe le Partage à La Prairie même s’il devra payer de l’impôt sur ce salaire l’an prochain. Le résident de Sainte-Catherine, ses collègues et son employeur donnent souvent à cet organisme du territoire. À ceux qui se demandent comment ils peuvent faire une différence actuellement, il répond: «L’argent recueilli par le complexe le Partage sert exclusivement à acheter de la nourriture pour offrir de l’aide de secours. Si vous n’avez pas d’argent, donnez de votre temps à un organisme, à vos voisins, à votre famille ou à vos amis. Deux ou quatre heures par semaine peuvent faire toute la différence».