COVID-19

Victime du délestage

le jeudi 20 janvier 2022
Modifié à 14 h 04 min le 20 janvier 2022
Par Paula Dayan-Perez

pdayan-perez@gravitemedia.com

L'opération de Stéphanie Noiseux pour traitement du cancer avait été annulée. (Photo : Le Soleil - Denis Germain)

MISE À JOUR : Mme Noiseux a reçu une nouvelle date pour son opération, soit le 4 février,  à la suite de la publication de son histoire dans différents médias, dont La Presse. 

«‘Ce n’est pas que ton cas ne soit pas urgent. C’est que malheureusement, tu prends de la place aux soins intensifs, a entendu Stéphanie Noiseux à l’autre bout du fil alors qu’une employée de l’Hôpital de LaSalle lui expliquait que l’opération qui traiterait son cancer avancé serait annulée. ‘Tu auras très certainement besoin d’un respirateur. Présentement, il n’y a rien de tout ça qui est disponible.’»

La Châteauguoise de 34 ans n’en croyait pas ses oreilles. Elle confie avoir vu sa mère Ginette mourir à travers un Plexiglas en octobre 2020, alors que cette dernière attendait une opération à l’Hôpital Anna-Laberge.

«Mes enfants ont subi l’impact de mamie qui est décédée en attente d’une chirurgie et là, ils voient que c’est leur mère qui est délestée», exprime la maman d’une famille de cinq enfants.

Une attente douloureuse

C’est en janvier 2021 que Mme Noiseux a appris que son cancer du col de l’utérus s’était détérioré. Selon son gynécologue, tout se passerait bien si elle était opérée rapidement, relate-t-elle. Le post-opératoire serait compliqué, car étant atteinte de sclérose en plaques, la dame devait être transférée dans une unité de soins intensifs après l’intervention. En octobre, l’hôpital lui avait confirmé la date du grand jour, soit le 21 janvier 2022. 

À la suite de l’annulation, la Châteauguoise a essayé sans succès de contacter son gynécologue. Les deux cliniques où il pratique n’ont pas de rendez-vous disponible. Le médecin est en vacances jusqu’au 20 janvier, indique-t-elle. De plus, elle ne verra pas sa neurologue avant l’année prochaine. En préparation à la chirurgie, les traitements pour la sclérose en plaques ont été arrêtés, car ceux-ci affaiblissent le système immunitaire.

La douleur étire encore plus l’attente. «Sans traitement [pour la sclérose en plaques], on a ce qu’on appelle le signe de la Lhermitte, qui est comme être au bout d’un tasergun 24 heures sur 24, illustre Mme Noiseux. Ce sont des chocs électriques qui passent du bas de la colonne vertébrale jusqu’en haut de la colonne cervicale et qui font l’aller-retour sans arrêt.»

À ces symptômes s’ajoutent l’épuisement, la perte de coordination, de concentration et de perception visuelle. Ce, sans compter le risque de dommages irréversibles au cerveau, explique-t-elle. La courtière d’assurances aux entreprises a dû mettre sur pause sa carrière et son amour pour l’activité physique avec l’arrêt du traitement.

La porte-parole du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Hélène Bergeron-Gamache, a affirmé ne pas être en mesure d’émettre de commentaire ni de confirmer des cas particuliers pour des raisons de confidentialité lorsque le Soleil de Châteauguay l’a contactée en lien avec l’histoire de Mme Noiseux.

Des lits occupés aux soins intensifs

L’unité de soins intensifs de l’Hôpital de LaSalle compte huit lits au total. Il fonctionne à pleine capacité, comme tous les centres hospitaliers du CISSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, informe Mme Bergeron-Gamache. De plus, l’Hôpital de LaSalle maintient présentement environ 30 % de ses activités chirurgicales.

«Nous sommes très sensibles à la réalité de toutes ces personnes en attente d'une chirurgie, écrit la conseillère aux communications dans un courriel au journal. Le délestage nous amène à gérer des priorités et des urgences et, selon l'évaluation du risque, il peut arriver que des chirurgies oncologiques soient reportées. Au quotidien, nous gérons les priorités pour que les services essentiels soient maintenus. Les cas de cancer sont priorisés en fonction du diagnostic posé par le chirurgien.» Mme Bergeron-Gamache souligne que la situation évolue rapidement et que le CISSS élargira les activités chirurgicales dès que possible. 

Questionné sur l’existence de cas similaires à celui de la Châteauguoise ailleurs dans la province, le PDG du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, affirme que le Québec est déjà «sur la touche» de voir ce genre de situation se répéter.

Il blâme ceux qui refusent de s’inoculer contre la COVID-19. «Il faut se rappeler que 50 % des lits en soins intensifs sont occupés par des gens qui ne sont pas vaccinés», explique-t-il.

Retrouvez cette histoire dans notre édition du 19 janvier, accompagnée du volet sur la situation au Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest (CISSSMO).

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