Société

Sa vision réduite à 18%

le mercredi 11 avril 2018
Modifié à 10 h 55 min le 11 avril 2018
Par Audrey Leduc-Brodeur

aleduc-brodeur@gravitemedia.com

Adolescent, Kevin Gagné-Beauchamp jouait au hockey, affrontait les montagnes à vélo et dévalait les pentes en skis. Il y a six ans, il a dû faire le deuil de ses activités favorites lorsqu’il a appris qu’une maladie affecterait sa vue jusqu’à le rendre presque aveugle. Le jeune homme aujourd’hui âgé de 23 ans est atteint de la neuropathie optique de Leber, une maladie héréditaire qui se manifeste généralement abruptement. Dans le cas du Constantin, une succession de commotions cérébrales survenues alors qu’il faisait du sport a favorisé le déclenchement de la maladie. «J’ai fait une 4e commotion cérébrale, après un grave accident en vélo de montagne, raconte-t-il. Le médecin m’a dit que ma vision allait probablement être floue parfois à cause de ça.» Un matin, alors qu’il était en classe, l’adolescent âgé de 17 ans à l’époque, a expérimenté ses premiers problèmes de vision. «Je n’étais plus capable de lire parce que je ne voyais plus d’un œil, explique-t-il. Je l’ai dit à ma professeure, qui ne m’a pas cru, parce que j’étais le tannant de la classe. Les gens riaient, pensant que je blaguais, alors que j’étais sérieux. J’ai été suspendu trois jours de l’école parce qu’on ne me croyait pas.» Alors qu’il quittait l’école en voiture, troublé, Kevin Gagné-Beauchamp a aperçu à la dernière seconde le frère d’un ami qui traversait la rue. «J’ai failli le frapper, dit-il. Il m’a crié ‘’Hey le malade’’!» Ses symptômes se sont accentués les jours suivants, notamment pendant des parties de hockey. «Quand un joueur me faisait une passe, je regardais la rondelle, puis je ne la voyais plus, raconte-t-il. Je n’ai jamais été compétitif ou mauvais perdant, mais à la dernière partie de la saison, je me suis emporté et j’ai frappé la bande avec mon bâton. Mon père m’a vu et a compris qu’il y avait quelque chose qui clochait.» Comme un beigne   En moins d’un mois, une série de tests a permis au médecin de diagnostiquer la source du mal: la neuropathie optique de Leber. «Un cousin de ma mère a eu cette maladie. Les femmes portent le gène, mais il se transmet 95% du temps aux hommes, explique-t-il. Le problème se situe dans le nerf optique. C’est comme si le fil auxiliaire entre ton téléphone et ta radio de voiture ne fonctionnait pas correctement.» Huit mois plus tard, sa vision a chuté de façon draconienne et se situe aujourd’hui à 18% de sa capacité. «Je n’ai plus de vision centrale. C’est comme un beigne, image-t-il. Le trou au milieu, c’est ce que je ne vois pas, mais en plus grand.» Kevin Gagné-Beauchamp ne cache pas avoir ressenti une grande colère à l’annonce du diagnostic. «J’ai éprouvé de la rage. J’ai arraché une porte dans la maison. Tout ce que j’aimais le plus au monde, je l’ai perdu. J’apprends aujourd’hui à vivre avec la maladie, mais je ne l’accepte pas. C’est impossible que je le fasse un jour.» Les gens ne le croient pas Le Constantin compose avec cette maladie depuis six ans. Personne ne pourrait deviner que ses yeux bruns ne voient pas ce que les autres voient. «Mon quotidien ressemble à celui de n’importe qui. Mais je ne fais pas cuire du poulet, disons!» blague-t-il. «Parfois, les gens ne me croient pas, ajoute-t-il. Par exemple, à La Ronde, je peux éviter les files d’attente en montrant ma carte qui indique que je suis légalement aveugle. Les employés ne voulaient pas me laisser passer.» Le jeune homme a étudié pendant un an à l’école spécialisée pour malvoyants Jacques-Ouellette à Longueuil. Il a appris le braille, mais ne s’en sert pas. Il veut se dénicher un emploi dans une entreprise qui embauche les personnes ayant un handicap visuel. Si ce projet ne se concrétise pas, il s’inscrira à l’université à l’automne comme étudiant libre. «J’ai une télévisionneuse qui permet de zoomer des documents papier à l’écran, explique-t-il. Je pourrais enregistrer le cours et prendre des notes pour les lire par la suite à la maison.» Kevin Gagné-Beauchamp  ne sait pas s’il retrouvera sa vision plus tard, puisque la maladie pourrait disparaître aussi soudainement qu’elle est apparue, explique-t-il. Le cousin de sa mère a d’ailleurs recouvré la vue. «Je pourrais me lever un matin et voir à nouveau, dit-il. C’est un mystère.» Des lunettes spéciales La solution pour améliorer la vue de Kevin Gagné-Beauchamp viendra possiblement des technologies. Son entourage a lancé une campagne de financement sur le site web Go Fund me pour amasser 20 000$ afin d’acheter une paire de lunettes eSight. Ces lunettes sont contrôlées à l’aide d’une manette qui permet de régler le zoom, les contrastes, etc.. Le jeune homme mise sur l’obtention de cet appareil pour faciliter son intégration sur le marché du travail ou son retour aux études. Plus de 5000 $ ont été amassés jusqu’à présent.
«À l’annonce du diagnostic, je ne l’ai pas bien pris du tout. La vision, c’est la chose la plus importante au monde, non? J’ai perdu ma vision et ma liberté du même coup.» -Kevin Gagné-Beauchamp
[caption id="attachment_39901" align="alignnone" width="521"] Kevin Gagné-Beauchamp utilise une télévisionneuse.[/caption]