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4 prototypes et un visionnaire : l’origine de la seconde renaissance de Bugatti

Il y a 3 heures
Modifié à
Par Luc Gagné

La seconde renaissance de la marque Bugatti amorcée par le Groupe Volkswagen en 1998, après la brève aventure italienne de Romano Artioli, passe par un homme : Ferdinand Piëch. C’est lui qui a d’abord imaginé un moteur démentiel, à 18 cylindres, pour ensuite commander quatre prototypes, dont trois à Italdesign, préfigurant l’audacieux projet visant à créer une super-voiture. Le service de presse de Bugatti rappelle ce prélude historique dans deux communiqués récents. En voici le résumé.

L'architecte d’une légende

Le 17 avril dernier, Ferdinand Karl Piëch (1937-2019) aurait eu 88 ans. Durant son mandat comme président du Groupe Volkswagen, au tournant du nouveau millénaire, ce visionnaire a mis de l’avant plusieurs grands projets. Mais le plus célèbre demeure sans doute la création d’une voiture hors norme, capable de repousser toutes les limites, tant sur le plan du design que de l’ingénierie automobile : la Bugatti Veyron 16.4.

Petit-fils de Ferdinand Porsche

Né à Vienne, le 17 avril 1937, Ferdinand Piëch a été captivé, dès son plus jeune âge, par la technologie. Fils d'Anton Piëch et de Louise Porsche, il était le petit-fils de Ferdinand Porsche. Il a étudié l’ingénierie mécanique à Zurich, en Suisse, avant d’entamer une carrière au sein de l’entreprise de son grand-père, où il jouera plus tard, entre autres, un rôle déterminant dans la création de la Porsche 917. Ses compétences en ingénierie lui permettront aussi de métamorphoser Audi grâce à diverses innovations comme, par exemple, le moteur 5-cylindres, la technologie TDI et la transmission intégrale Quattro.

En 1993, alors qu’il est à la tête de Volkswagen AG, Ferdinand Piëch est déjà une des figures les plus influentes du secteur automobile. Quatre ans plus tard, lors d’un voyage à bord du Shinkansen, le train à haute vitesse ralliant Tokyo à Nagoya, Piëch esquisse sur le dos d’une enveloppe une idée qui va bouleverser le monde de l’automobile. Il s’agit d’un moteur à 18 cylindres en « W » qui se veut puissant, révolutionnaire et unique. C’est le concept qui va mener au développement du moteur de Bugatti.

Avec cette mécanique, Piëch veut repousser les frontières d’une technologie qu’il place au cœur de sa vision de l’automobile. Car il imagine déjà un véhicule capable de produire 1 000 ch et de dépasser les 400 km/h, tout en conservant le raffinement et la praticité d’une voiture de prestige; un concept qu’aucune architecture automobile d’alors ne peut soutenir.

Encore faut-il trouver une marque pour pareil bolide. Toujours en 1997, Piëch analyse le marché et les bannières les plus prestigieuses du moment, comme Bentley et Rolls-Royce. Mais, l’insistance de son fils, Gregor, qui le pousse à faire l’achat d’une Bugatti Type 57 SC Atlantic lui apparaît tout à coup comme un signe du destin. Inspiré par sa passion pour cette marque iconique, Piëch choisit Bugatti, synonyme de performance et de luxe intemporel. Ainsi, le 5 mai 1998, Volkswagen obtient les droits sur la prestigieuse marque française. La voie est alors ouverte pour créer son moteur d’exception.

Giugiaro entre en scène

Une fois la marque acquise, Piëch confie à Giorgetto Giugiaro, son ami et célèbre designer d’Italdesign, la tâche de développer un concept fidèle à sa vision. Il en résulte la Bugatti EB 118, un coupé dont le nom rend hommage au moteur à 18 cylindres. À la surprise du monde automobile, cette voiture est dévoilée au Salon de l’auto de Paris, en septembre 1998, quelques mois seulement après l’acquisition de la marque par Volkswagen.

Selon les services de presse de Bugatti, l’EB 118 « capture parfaitement l’essence du véhicule de grand tourisme. Son design, en partie défini par une ligne centrale distinctive (clin d’œil à la colonne vertébrale emblématique de modèles historiques tels que la Type 57 SC Atlantic), se distingue par un capot allongé, rendu nécessaire par la taille du W18 atmosphérique de 6,3 L générant 555 ch. L’intérieur d’inspiration Art déco met l’accent sur le luxe, le confort et l’artisanat. Combinant ce raffinement avec une technologie de pointe, une transmission intégrale et un groupe motopropulseur unique, l’EB 118 est une déclaration audacieuse : un mariage réussi entre l’héritage de Bugatti et une innovation avant-gardiste. »

Une berline sans lendemains

Le potentiel que représente cette voiture-concept nourrit l’imagination de ses créateurs tout autant que celui du grand public, les ambitions ainsi affichées dépassant largement le cadre d’un simple prototype. Voilà pourquoi, en mars 1999, le studio de design italien livre une seconde voiture-concept qui va alimenter encore davantage l’imaginaire des passionnés et des acheteurs bien nantis de super-voitures. Équipée du 18-cylindres, la berline de luxe EB 218 fait ses débuts au Salon de Genève.

Également signée Giorgetto Giugiaro, elle se veut une évolution de la berline EB 112, un concept commandé par Artioli à Giugiaro en 1993. Partageant le moteur W18 de l’EB 118, cette berline « explore une autre dimension de l’identité Bugatti, centrée sur le luxe et la prestance », nous apprennent les communiqués de la marque. « Plus longue que l’EB 112, elle affiche des lignes subtilement retravaillées au niveau des pare-chocs, des feux et du capot, qui adaptent le format d’une berline aux contraintes du moteur W18, tout en conservant la transmission intégrale permanente. L’EB 218 démontre la polyvalence du groupe motopropulseur W18 et la capacité de la marque à concevoir, au-delà des coupés, des véhicules au sommet du luxe, dans la lignée de la mythique Bugatti Type 41 Royale. »

Un second coupé plus racé encore

Mais ça ne s’arrête pas là. Car, en septembre de la même année, c’est au tour du coupé biplace EB 18/3 Chiron de faire scintiller les flashs des caméras lors de son dévoilement au salon de l’IAA à Francfort.

Conçu par Fabrizio Giugiaro sous la direction de son père, ce concept rompt avec l’architecture à moteur avant de ses prédécesseurs, rappellent les communiqués de Bugatti. « Cette supersportive biplace, dotée d’un moteur W18 en position centrale, adopte une posture bien plus agressive, caractéristique des voitures de sport les plus extrêmes. Toujours animée par le W18 de 555 ch et d’une transmission intégrale, elle se distingue par une recherche plus poussée de l’efficacité aérodynamique et des performances dynamiques. Nommée en hommage au légendaire pilote Louis Chiron, cette étude explore pleinement le potentiel du moteur W18, en amorçant la transition vers le territoire des hypersportives, qui sera bientôt conquis par la Veyron. »

Kabaň remplace Giugiaro

Avec chaque prototype, tous plus audacieux les uns que les autres, l’ambition de faire naître le premier modèle de série demeure. Il va trouver son expression la plus aboutie en octobre 1999, lorsque la voiture-concept EB 18/4 Veyron est dévoilée au Salon de Tokyo.

Contrairement aux trois concepts précédents, cette étude de design, qui préfigure le premier modèle de production, ne provient pas d’Italdesign. Il sera conçu à l’interne, sous la direction d’Hartmut Warkuß, grand patron du département de design du groupe, par le jeune designer tchèque Jozef Kabaň, recruté peu de temps auparavant.

Cette quatrième et dernière étude marque un tournant stylistique, admet Bugatti dans ses communiqués. L’EB 18/4 adopte une silhouette sportive, plus compacte et ciblée. De plus, le choix du nom Veyron pour ce concept final et pour le modèle de série rend hommage à l’un des grands noms de l’histoire de la marque : le pilote français Pierre Veyron (1903–1970). Il n’était pas seulement pilote de course, mais aussi ingénieur de développement et pilote d’essai pour Bugatti dans les années 1930. Il a notamment remporté la victoire aux 24 Heures du Mans en 1939 au volant d’une Type 57 C Tank, aux côtés du Français Jean-Pierre Wimille.

« En baptisant cette hypersportive révolutionnaire du nom de Veyron, Ferdinand Piëch a établi un lien fort entre sa vision moderne et l’âge d’or de la marque en compétition, incarnant cette alchimie unique entre performances et excellence technique », conclut le constructeur.

Une apothéose

Aujourd’hui, chez Bugatti, on n’hésite pas à parler d’apothéose et d’un design inédit à la veille d’une consécration. Puisque, en 2000, Ferdinand Piëch annonce que Bugatti, la marque qui amorce sa troisième vie sous la houlette du constructeur de Wolfsburg, va bel et bien construire une voiture de série produisant 1 001 ch et capable de dépasser les 400 km/h. Un bolide capable d’atteindre cette vitesse folle le matin, pour ensuite mener avec élégance ses deux occupants à l’opéra, le soir venu. Une automobile que Piëch compare à un bijou, incomparable et unique.

Cette vision devient réalité en 2005, lorsque la. Bugatti Veyron 16.4 fait ses débuts. Ce bolide capable d’atteindre 407 km/h et d’accélérer de 0 à 100 km/h en 2,5 s décrochera d’ailleurs le titre de véhicule de production le plus rapide au monde, mais avec une petite différence.

Bien que le quatrième prototype, l’EB 18/4, ait été conçu à l’origine pour être animé par le moteur W18, les exigences en matière de fiabilité, de refroidissement et de puissance mèneront à une décision technique clé : le développement, dès 2000, d’un nouveau moteur qui deviendra le W16 de 8,0 L à quatre turbocompresseurs des premières Bugatti du Groupe Volkswagen.

Photos : Bugatti

Le texte 4 prototypes et un visionnaire : l’origine de la seconde renaissance de Bugatti provient de L'annuel de l'automobile - Actualité automobile

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