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Accident mortel sur la 30 : le long combat d’une famille endeuillée

le mardi 30 avril 2024
Modifié à 13 h 29 min le 30 avril 2024
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

Denis Lefrançois et Mélanie Séguin trouvent injuste que le camionneur à l'origine du carambolage qui a coûté la vie à Nancy Lefrançois et son garçon Loïc n'ait pas fait face à ses accusations. (Photo : Le Courrier du Sud – Denis Germain)

Nancy Lefrançois et son garçon Loïc ont perdu la vie sur l’autoroute 30 à Brossard le 19 juillet 2022, écrasés dans leur voiture par un camion qui n’avait pas ralenti à l’approche d’une zone de travaux. La famille peine toujours à se remettre de ce drame, dont l’instigateur quitté le pays moins de 24 heures après la collision. Elle milite maintenant pour que ce type de fuite ne se reproduise plus.

Vingt-et-un mois plus tard, c’est dans un café en bordure de l’autoroute 30 que Le Courrier du Sud rencontre Denis Lefrançois, et Mélanie Séguin, le père et la belle-mère de Nancy Lefrançois.

Ils reviennent sur la pénible année et demie qui a suivi l’accident, la plupart du temps les yeux trempés, encore frappés par le deuil. Ils esquissent parfois un sourire, comme lorsque Mélanie nous montre une vidéo de la fête de 11 ans de Loïc, où toute la famille était réunie. C’était trois jours avant le drame

«C’était un petit gars très éveillé émotivement. Pour lui, ça ne se pouvait pas la méchanceté dans le monde. Il aimait tout le monde Loïc», raconte Mélanie Séguin, qui admet que leurs départs est une réalité toujours dure à accepter.

Au fédéral pour faire bouger les choses

Le camionneur impliqué dans l’accident est Baljeet Singh, un travailleur étranger temporaire. Après avoir été transporté à l’hôpital, il s’est ensuite rendu à l’aéroport et a quitté le pays sans donner de nouvelles depuis.

Même si la famille s’est fait dire de ne jamais attendre justice, Mélanie Séguin garde espoir qu’il puisse un jour faire face à ses accusations.

Baljeet Singh est visé depuis le 13 juillet 2023 par deux accusations de conduite dangereuse causant la mort et de trois accusations de conduite dangereuse causant des blessures.

Mais surtout, les grands-parents veulent éviter qu’une situation comme celle-ci se reproduise pour une autre famille. Et pour cela, ils prennent les grands moyens et réclament un changement législatif à Ottawa.

Ils ont lancé une pétition, appuyée la députée de Salaberry—Suroît Claude DeBellefeuille, dans laquelle ils proposent de revoir les mécanismes légaux afin qu’une personne sous enquête pour avoir commis une infraction criminelle ne puisse pas fuir le pays. Ils proposent de saisir le passeport d’une personne pendant sept jours et de reconduire le bref de saisi au besoin.

«Ce que l’on veut, c’est qu’on puisse dire : tu ne quittes pas les environs. Tu peux continuer à travailler, faire ce que tu veux, mais tu restes disponible parce qu’on veut savoir ce qui s’est passé», exprime M. Lefrançois.

En date du 24 avril, près de 900 personnes ont signé le document.

«Nous, ça ne changera rien dans notre situation. Ça ne ramènera pas Nancy et Loïc, ça ne changera rien de ce qu’on a vécu. Mais ça peut aider une autre famille», ajoute Mélanie Séguin.

 

Le jour même du drame, le 19 juillet 2022, Nancy Lefrançois avait amené Loïc et son frère faire de la motomarine. (Photo : Gracieuseté)

 

Des démarches éprouvantes

Le combat en vaut la peine, croit-elle, comme tout ceux qui ont précédé. La femme de Sainte-Martine raconte entre autres comment les procédures pour les indemnisations ont été compliquées, ou comment les échanges avec les enquêteurs ont parfois été ardus.

«Il n’y a pas eu une étape qui a été facile», exprime celle qui a mené la charge dans plusieurs de ces dossiers et qui continue pour la pétition avec une fougue et une détermination qui lui sont propres. «Je me sens un peu comme un pitbull», affirme-t-elle, tout en admettant l’usure de ces combats sur sa santé mentale.  

Elle n’entend cependant pas lâcher et souhaite «faire le plus de bruit possible» avant que la députée DeBellefeuille dépose la pétition à la Chambre des communes.

 «Il faut que les gens ne puissent pas échapper à la justice», résume-t-elle.

 

Mélanie Séguin décrit Nancy Lefrançois comme «un arc-en-ciel d'émotion, qui avait le pied dans le plancher et qui vivait la vie à fond». Loïc était quant à lui un garçon «affectueux, sociable, qui avait une belle façon de voir la vie». (Photo: Gracieuseté)

 

Un accident tragique

Résidente de Saint-Jean-sur-Richelieu, Nancy Lefrançois revenait de Sainte-Martine par l’autoroute 30, le 19 juillet en soirée, avec deux de ses quatre fils et son conjoint Benoit Lavoie. Elle était au volant de son Challenger et Loïc était en arrière, du côté conducteur.

Elle aurait pu passer par la route 104 pour rentrer chez elle, mais elle préférait passer par l’autoroute 10, raconte Mélanie Séguin.

Mais ce soir-là, la 10 était fermée pour des travaux. La conductrice a donc continué son chemin sur la 30 jusqu’au kilomètre 69,5, près du boul. Grande-Allée à Brossard, où la circulation ralentissait pour cause d’autres travaux à partir du kilomètre 70.

Le camion qui la suivait n’a toutefois pas ralenti à l’approche des travaux et a tenté d’éviter le contact à la dernière seconde en donnant un coup de volant. Le poids lourd a ainsi roulé sur la voiture du côté conducteur avant de tomber sur le côté et de percuter sept autres véhicules et faire dix blessés au total.

Loïc et Nancy sont décédés sur les lieux. Les deux autres passagers du Challenger ont été dans le coma, mais ont survécu à leurs graves blessures. «Ils ont été chanceux dans leur malchance», estime Denis Lefrançois.

 

Une députée empathique

La députée Claude DeBellefeuille est en contact avec Mélanie Séguin depuis près d’un an. «Je suis très empathique à sa cause. Je suis moi-même mère et grand-mère, et je peux comprendre toute la détresse d’une grand-mère qui perd un petit enfant dans un accident», indique-t-elle.

Mme DeBellefeuille dit avoir soutenu la démarche, notamment en effectuant des recherches auprès de la bibliothèque du Parlement et avec le légiste de la Chambre. «On a été de tous bords tous côtés et on a conseillé Mme Séguin sur différentes voies pour mettre en lumière le problème», souligne-t-elle.

En choisissant la pétition, la députée note qu’ils auront obligatoirement une réponse du gouvernement.

La pétition est également appuyée par l’ancien sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu.