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Après 30 ans de service, l'heure de la retraite a sonné pour une policière d'expérience

le mercredi 28 avril 2021
Modifié à 15 h 46 min le 23 avril 2021
Par Katherine Harvey-Pinard

kharvey-pinard@gravitemedia.com

Sophie Whissel commençait à peine à parler qu’elle savait déjà qu’elle voulait être policière. La voilà aujourd’hui à l’étape à prendre sa retraite à l’âge de 51 ans, après 30 ans dans l’uniforme du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Regard sur une impressionnante carrière qui se terminera dans les prochains mois À l’âge de 4 ans, Mme Whissel jouait à police voleur et autres jeux à thématique policière dans les ruelles de la défunte Ville Saint-Pierre, sur l’île de Montréal. Puis, elle a déménagé à Saint-Constant, où elle s’est intéressée au sport. Son intérêt pour le métier de policier ne s’est toutefois jamais éteint. «À l’école, j’ai toujours été le genre à aller défendre ceux qui se faisaient barder, surtout au secondaire», se souvient-elle. Au Cégep, sans surprise, elle a opté pour la technique policière, malgré les conseils des orienteurs qui la voyaient professeure de mathématiques ou d’éducation physique. Elle n’a plus jamais regardé derrière par la suite. «Je me suis toujours trouvée à ma place, dit-elle. Je n’ai jamais dérogé. Après avoir terminé le Cégep en avril, j’entrais à Nicolet en août, puis je finissais le 9 novembre et j’entrais au SPVM le 19 novembre. J’avais 20 ans.» Retour dans le temps À son entrée au SPVM, Mme Whissel travaillait à Pierrefonds dans le District 12, avant les fusions municipales en 2001. Elle y a passé les cinq premières années de sa carrière, entourée de policiers comptant jusqu’à 25 ans d’ancienneté; une situation qui s’est avérée avantageuse, selon elle. «Ils te font comprendre qu’il vaut mieux prendre ton temps, observer, explique-t-elle. Pour un vol qualifié par exemple, la plupart des jeunes vont mettre les gyrophares et se dépêcher. Mais souvent, les voleurs sont partis quand tu arrives. Si tu te dépêches, tu vas les manquer. Si tu observes les environs en t’y rendant, tu risques de voir le suspect qui est déjà sorti en train de fuir.» «Quand tu travailles avec des plus vieux, tu apprends plus vite, résume-t-elle. Mais c’était long avant que je touche aux clés de l’auto!» Mme Whissel est intervenue sur davantage de drames lors de ses premières années. Du lot, un frère et une sœur assassinés par un ex-conjoint violent, le suicide d’un garçon de 15 ans et un enfant de 7 ans mort écrasé par un autobus scolaire. «Ça, je l’ai trouvé dur, souffle l’agente. Quand tu arrives sur les lieux comme policier, tout le monde s’attend à ce que tu fasses quelque chose, mais dans le fond, on ne peut plus rien faire. Le mal est fait.» N’est-ce pas difficile d’être témoin de telles scènes? «Je ne sais pas si c’est parce que dans ma tête, j’étais mindée pour ça, mais ça ne m’a jamais dérangée, révèle-t-elle. Je suis capable de faire abstraction. Mais c’est sûr que depuis 25 ans, il y a beaucoup de choses qu’on dédramatise entre nous.» Prête pour la retraite Mme Whissel a été mutée au Groupe d’intervention (GI) ouest en 2001, l’ancêtre du groupe anti-émeute, et elle y est encore aujourd’hui. En plus d’intervenir lors des manifestations, il prend en charge tous les «gros événements qui demanderaient aux effectifs des postes de quartier de cesser de répondre aux appels», explique l’agente. Elle a d’ailleurs fait partie de l’équipe qui s’est rendue à Toronto pour le G20 en 2010. «Présentement, avec la COVID-19, le gros de l’ouvrage est les manifestations et les rassemblements dans les parcs», précise-t-elle. En vue de sa retraite, la Constantine est «ambivalente». «J’aime encore ça, j’aime la gang, mais je prends la décision de partir parce que je suis en forme et en santé. J’ai vu des collègues avoir un accident ou autre chose à deux mois de leur retraite et qui ne pouvaient plus profiter de la vie», justifie-t-elle. La policière a vécu de beaux moments qui resteront gravés dans sa mémoire, dont un en particulier. «Dans un restaurant, une femme avec sa fille m’a abordée. Elle lui a dit: c’est grâce à elle si on est encore là, c’est elle qui nous a sorties de la maison quand ton père était violent, raconte-t-elle. J’ai eu un frisson. Ça fait du bien de se faire dire qu’on a fait de bonnes choses.» Un long partenariat La Constantine Sophie Whissel et le Sainte-Catherinois Claude Gagnon forment un des plus longs partenariats de l’histoire du SPVM, après 25 ans en duo. Dès leur première journée, les deux policiers se sont liés d’amitié. «Moi je revenais d’un congé de maternité, lui venait aussi d’avoir une petite fille. On avait les mêmes intérêts, donc ç’a cliqué tout de suite», relate l’agente. «On est passés de compagnons de travail à amis», raconte pour sa part l’agent Gagnon. Ensemble, ils ont patrouillé les rues de Lachine, Dorval et Pointe-Claire. Ils n’ont été séparés que très brièvement. Questionnés à savoir qui est le bon cop et le bad cop, les collègues abondent dans le même sens. «Ça dépend toujours des appels, répond Sophie Whissel. Tu le sens tout de suite. Les rôles sont interchangeables. C’est dur à expliquer, mais nous on est pas mal plus deux bons cops! On aime ça que ça se passe bien, on ne cherche pas la confrontation.» «On n’a pas besoin de se parler ou de se regarder, ça se fait automatiquement», soutient pour sa part M. Gagnon, qui prendra aussi sa retraite en même temps que sa partenaire. Pompier à temps partiel depuis 15 ans, il se consacrera à ce métier au sein de la Régie d’incendie de Saint-Constant et Sainte-Catherine.