Opinion

Arrêtons de nous juger

le jeudi 05 mars 2020
Modifié à 10 h 05 min le 05 mars 2020
Par Vicky Girard

vgirard@gravitemedia.com

Nous nous jugeons sans cesse entre femmes. On ne s’en rend même plus compte. Je travaille dans un bureau majoritairement féminin. Il y a quelques semaines, nous avions une conversation sur l’heure du dîner au sujet d’une certaine personnalité connue qui disait se trouver «dégueulasse» sur des photos. Elle est pourtant la définition de la femme parfaite pour plusieurs. Le débat a débuté. Certaines étaient d’avis qu’elle ne pouvait pas dire publiquement qu’elle se trouvait laide. D’autres, dont moi, aimaient savoir qu’une femme si belle n’a pas toujours confiance en elle. Au-delà de ce sujet, je trouvais déplorable qu’on se permette de la juger. On le fait banalement. Les lendemains de gala aussi. C’est normal, se dit-on. Des palmarès des plus – ou moins – belles robes ou vedettes sur le tapis rouge nous sont offerts pour qu’on juge. Cette journée-là, la conversation a dévié vers l’idéal de beauté féminine. «De toute manière, on n’est jamais contentes», a lancé l’une d’entre nous. Ça m’a frappée. Les femmes rondes voudraient être plus minces. Celles qui sont minces voudraient avoir des formes. Celles dans la moyenne penchent toujours vers un des deux côtés. Les femmes aux cheveux frisés les voudraient plats. Les femmes au teint pâle voudraient être plus bronzées. Celles qui ont le teint basané envient celles au teint de porcelaine.
«Tout n’est qu’apparence, non?» -Alberto Giacometti
Pourtant, on prône partout que nous sommes toutes belles dans nos différences. Mais on entend encore qu’une telle est trop mince et qu’elle a l’air malade ou qu’une autre est trop grosse et qu’elle doit mal se nourrir. Le pire, à mon avis, est que l’on se juge encore plus sévèrement nous-mêmes. Au bureau, nous nous lançons des fleurs tous les jours. Quand même, je me rends compte qu'il est rare qu’un compliment soit reçu sans un peu de complainte. Un simple «j’aime tes cheveux», est souvent suivi d’un «ah, pourtant je ne les ai pas peignés», ou d’un «moi, je les trouve laids, mais merci». Je fais la même chose. Je comprends. Mais pourquoi? On en parle tellement, mais ça ne change pas. Nos discours diffèrent, mais le sens reste le même. Le jugement. Pourrons-nous, un jour, arrêter de nous juger les unes les autres? Parfois, je me dis que c’est seulement dans notre nature et qu’il faut vivre avec. Mais, quand je m’arrête vraiment pour y réfléchir – ou pour écrire à ce sujet –, je réalise que ça ne devrait pas être une excuse.