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Bénévole dans une banque alimentaire : «On a un devoir de partager leurs histoires»

le mercredi 20 décembre 2023
Modifié à 10 h 30 min le 22 décembre 2023
Par Guillaume Gervais

ggervais@gravitemedia.com

Jennifer Kirby s'implique auprès des personnes dans le besoin depuis plus d'une dizaine d'années. (Photo : Le Reflet - Audrey Leduc-Brodeur)

L’inflation ne cesse d’augmenter. Les banques alimentaires crient famine. Les demandes d’aide affluent vers les organismes locaux. Pour toutes ces raisons, Jennifer Kirby s’implique auprès des personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire depuis plus d’une dizaine d’années.

Elle a récemment participé à sa 6e journée portes ouvertes chez Moisson Rive-Sud, à Boucherville, où elle a réuni une vingtaine de ses collègues pour répartir 2 500 conserves dans des boîtes.  

«On voulait montrer à la communauté ce que les bénévoles des banques alimentaires faisaient et les sensibiliser, explique la femme native de La Prairie. J’ai partagé ça à l’interne à mon travail et une vingtaine de mes collègues sont venus m'aider.»

À la fois découragée par les pertes de nourriture dans les épiceries et les restaurants et consternée par le manque dans plusieurs familles, Jennifer Kirby a commencé à s’impliquer parce qu’elle désirait mieux comprendre le problème d’insécurité alimentaire.

La conseillère principale de la stratégie et vice-présidente des ambassadeurs communautaires de TELUS à Montréal estime que plus de citoyens aideraient ceux dans le besoin s’ils étaient exposés à la réalité de ces derniers.

«Ils ne connaissent pas leurs histoires», se désole la bénévole de 45 ans.

Jennifer Kirby (en bas au centre) a réuni une vingtaine de ses collègues de TELUS pour une journée portes ouvertes chez Moisson Rive-Sud, le 9 décembre. (Photo gracieuseté)

Sarah-Maud Montpetit, conseillère en communication chez Moisson Rive-Sud, renchérit.

«Au moment où les gens vont comprendre que ça peut être leur voisin ou leur ami proche, ils vont peut-être réaliser l’ampleur du problème, souligne-t-elle. Les banques alimentaires sont considérées comme un sujet tabou, mais c’est monsieur et madame Tout-le-monde qui fait des demandes maintenant.»

Jennifer Kirby se souvient d’un moment qui l’a marquée.

«Autrefois, je préparais un panier de Noël pour une famille que j’avais ’’adoptée’’, mais les parents me demandaient de venir le porter pendant que les enfants n’étaient pas à la maison, car ils avaient honte», déplore-t-elle.

Une autre dame lui a exprimé sa joie lorsqu’elle a reçu du savon à lessive, car elle faisait le choix difficile de ne pas en acheter étant donné qu’elle n’en avait pas les moyens.

«On a un devoir de partager leurs histoires, martèle-t-elle. C’est gratuit de sensibiliser.»

Celle qui réside désormais à Montréal donne aussi de son temps entre autres en participant à un diner annuel pour les camelots du magazine L’Itinéraire, puis en préparant des hot-dogs aux deux mois pour l’organisme Dans la rue.

Besoins frappants plus que jamais

Moisson Rive-Sud n’est pas épargné par la crise. Au cours des deux dernières années, l’organisation a noté une augmentation des demandes d’aide alimentaire de 25%. Elle fait parvenir des denrées aux organismes locaux qui aident plus de 80 000 personnes chaque mois.

«Près de 20% des demandes faites sont par des salariés, indique Sarah-Maud Montpetit. Le visage de la pauvreté a changé. La majorité de ceux dans le besoin est sur l’aide sociale, mais on reçoit de plus en plus de personnes âgées qui n’ont plus de pension de vieillesse.»

Il y a également une augmentation du nombre d’enfants qui doivent recevoir de l’aide alimentaire afin de se concentrer à l’école.

Pour les soutenir, Moisson Rive-Sud a mis en place le programme Alimenter l’avenir pour leur apporter des collations. L’organisme Partage, à La Prairie, a également un programme similaire avec les Petites bedaines pleines où il livre des boîtes à lunch aux enfants.

Même si la majorité des denrées sont reçues en décembre, Mme Montpetit rappelle que leurs bénéficiaires doivent manger 12 mois par année.

«Les dons arrivent plus lentement après janvier, se désole-t-elle. Il faut aussi prendre en compte le contexte inflationniste. Nous apercevons une diminution de ce que nous recevons.»

Partage, qui dessert La Prairie, Saint-Constant et Sainte-Catherine, n’y échappe pas non plus.

«Pour l’an passé, du 31 avril 2022 au 1er mars 2023, nous avons eu une augmentation de 39% des visites à l’aide alimentaire pour nos trois villes, avait exposé Frédéric Côté en octobre. C’est 376 nouvelles familles qui ont utilisé le service pour la première fois. Et depuis le 1er avril 2023, on ajoute un 35% d’augmentation supplémentaire.»

«Si je peux enlever une décision déchirante à chaque personne dans le besoin, je veux le faire.»

-Jennifer Kirby