Opinion

Billet d'humeur : L'insoutenable légèreté de l'être*

le jeudi 01 octobre 2020
Modifié à 16 h 33 min le 29 septembre 2020
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Croyez-vous qu’on s’en va dans le mur? Malgré les messages d’alarme du ministre de la Santé Christian Dubé. Le nombre de cas de COVID-19 qui monte en flèche. Les codes de couleur qui passent au vert, au jaune et au orange dans la région. Est-ce viré au rouge au moment où vous lisez ce billet? J’ai personnellement peur qu’on s’en aille dans le mur. Sans que personne n’applique le moindre frein. Quand je vois les joueurs de hockey agglutinés dans le stationnement de l’aréna que je fréquente. Des hommes dans la trentaine qui boivent une bière après leur match. Sans aucune distanciation sociale. Semaine après semaine. Quand je vois les élèves d’une école secondaire se regrouper sur les terrains voisins de leur école. Midi après midi. Quand je lis les propos d’une médecin qui affirme «avoir la chienne». Parce qu’elle risque sa vie au quotidien – et celle de sa famille – en raison de son travail. Les adolescents cultivent généralement l’insouciance. C’est propre à leur âge. Il n’en tient qu’aux adultes de les conscientiser. De leur faire comprendre la gravité de leurs actes. À ce sujet, je pense qu’on a mal fait passer le message. Mal fait comprendre l’enjeu de la pandémie actuelle. Le nerf de la guerre, ce sont les places limitées aux soins intensifs. Parce qu’on ne pourra pas soigner tout le monde en même temps. Si on vient à manquer des respirateurs artificiels, il faudra faire des choix difficiles. Comme l’Italie. Il est vrai qu’une partie de la population est asymptomatique. Il est vrai aussi que les chances de survie des personnes les plus jeunes sont plus grandes que celles de leurs grands-parents. Toutefois, les jeunes risquent d’engorger le système de santé s’il attrapent la COVID-19. Ce n’est pas moi qui le dit. C’est le docteur François Marquis, chef des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal. «Un jeune peut facilement rester des 70-100 jours aux soins intensifs», a-t-il confié à TVA Nouvelles. Contrairement à une personne plus âgée qui risque de ne pas survivre au bout de quelques jours. Je ne sais pas pourquoi. J’ai sans cesse en tête le titre du populaire roman de Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être*. À lui seul, il résume ce qui se passe en ce moment. Parce que la gravité et la désinvolture sont unis comme jamais.
«La légèreté a, elle aussi, son poids spécifique.» -Stanislaw Jerzy Lec