Opinion

Billet d'humeur : Mon coeur saigne

le lundi 17 août 2020
Modifié à 8 h 19 min le 13 août 2020
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Suivez-vous ce qui se passe à Beyrouth?   Je n’ai pas de famille là-bas. Ni de gens que je connais personnellement. J’ai néanmoins le cœur en bouilli. À chaque reportage. À chaque photo publiée. Depuis l’explosion de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port de la ville. C’est de l’ordre d’un drame sans précédent. De celui de Mégantic. Qui crée de l’incompréhension. Qui choque aussi. Parce que les choses ont traîné depuis six ans. Je suis d’autant plus bouleversée que j’y ai séjourné une dizaine de jours en 2013. Parce que j’ai eu une opportunité en or de m’y rendre. Bien que le gouvernement du Canada déconseillait à l’époque tout voyage non essentiel. Parce que la crise syrienne était déjà entamée. J’ai marché en long et en large dans les deux quartiers les plus dévastés par l’explosion. Je logeais dans un hôtel à quelques kilomètres du port. Un soir, je suis allée y tourner des images. Prendre des photos. C’est avec tristesse que j’ai appris que le petit café préféré de Christina - qui vivait au Liban à l’époque - n’est plus que débris aujourd’hui. Idem pour les petites boutiques branchées qui semblaient vouloir faire renaître «le Paris du Moyen-Orient». Comme le veut l’expression donnée autrefois à Beyrouth. Et qu’en est-il de la pizzéria où j’ai mangé le premier soir? À peine mes valises posées à l’hôtel. Et la Corniche, elle? Dans quel état se trouve aujourd’hui cette promenade extraordinaire au bord de la mer Méditerranée? Où j’avais fait du vélo. M’imprégnant du charme de cette ville et de ses habitants. J’avais figé devant l’hôtel Holiday Inn percé d’obus. Témoin douloureux de la guerre civile au Liban. Tout comme la statue des Martyrs. Criblée de balles.
«Nul ne voudrait mourir, nul ne voudrait renaître.» -Voltaire
Un jour que je faisais mon lavage, j’avais longtemps échangé avec une Libanaise d’un certain âge. Qui avait connu toutes ces époques difficiles. Mais qui n’avaient en rien affecté son attachement à son pays. Son amour. J’ai croisé à Beyrouth un peuple sympathique, résilient. Qui rêvait comme tous les autres que le pire soit derrière. Enfin. C’était pourtant avant la crise économique, sanitaire et politique actuelle. Je conclus sur ces mots d’un Libanais, cité il y a quelques jours dans La Presse: «Combien de fois encore un pays peut mourir avant de ne plus exister?»