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COVID-19
Comment la COVID-19 a changé le rituel de l’épicerie
le jeudi 21 janvier 2021
Modifié à 8 h 50 min le 21 janvier 2021
Maintenus ouverts parce que tout le monde a besoin de manger pour vivre, les marchés d’alimentation offrent une expérience radicalement changée par la lutte à la COVID-19.
Ils doivent appliquer une foule de mesures sanitaires dictées par le gouvernement. Et veiller à les faire respecter. Ce qui ne va pas sans heurts.
Samedi matin, 9 janvier, une file s’est formée à l’entrée d’une épicerie de Châteauguay. Arrive le tour d’un couple âgé. Un employé l’informe qu’une seule personne par famille est autorisée à entrer. « Non, non, on va entrer ensemble », lance le mari. L’employé indique que la règle est la même pour tout le monde. D’accord. Le mari accepte que sa femme entre seule. Puis il reste sur place. Le commis lui répète la consigne. « Je veux entrer » insiste-t-il. Les gens derrière, dont l’auteur de ces lignes, aimeraient bien qu’il se conforme à la règle. Il finit par gagner. « Hé ! Moi vous ne m’avez pas laissé entrer ! » lance un homme au volant d’une voiture à proximité.
À l’intérieur, une employée déplore devoir régulièrement composer avec des clients récalcitrants. Un autre fait part que certains couples se présentent à l’entrée séparément. Ils se rejoignent ensuite en abandonnant un panier dans le magasin. Que le personnel doit replacer.
La plupart des clients respectent les consignes, selon une personne à l’emploi d’un autre marché d’alimentation de la région. Mais il faut souvent les rappeler à l’ordre. Plusieurs portent le masque sous le nez ou ne respectent pas la distance de 2 mètres, soutient-elle. « Les pires sont les hommes âgés de 70 ans en montant. Eux ils ont la tête dure et sont de mauvaise humeur. Pas tous, mais une couple », fait-elle part.
Elle doit composer avec un ou deux cas d’agressivité par jour. Tous les employés, dit-elle, « mangent des bêtises », un moment donné. Eux qui étaient considérés comme des héros au début de la pandémie parce qu’ils travaillent au front, avec un risque accru d’attraper le coronavirus. Elle confie qu’un moment donné une cliente a été très bête avec elle, exigeant qu’elle désinfecte un panier.
« J’avais envie de lui dire d’aller au diable mais j’ai obéi. Puis je me suis tournée et j’ai pleuré de rage. Elle était très agressive. Le monde est écoeuré des consignes. Et c’est nous qui prenons les coups. Je suis tellement fatiguée quand je finis ma journée, vous ne pouvez pas savoir », déplore-t-elle. Mais elle insiste : « C’est seulement quelques clients. »
Épicier pas policier
Les personnes interviewées ont préféré garder l’anonymat par crainte de représailles. Le journal a sollicité une entrevue auprès de Sobeys et Metro. C’est le Conseil canadien du commerce de détail, qui représente 45 000 places d’affaires au pays, qui a répondu à la demande.
Son porte-parole, Jean-François Belleau, a indiqué que les incidents avec des clients récalcitrants étaient un phénomène isolé. « C’est rare que ça dégénère en engueulade », a-t-il noté. Il a souligné que laisser entrer une personne par famille dans les commerces visait à offrir « le plus d’accès possible à tout le monde ». « Nous comprenons que ça peut être irritant mais c’est une question d’équité. On demande la collaboration de la population », a-t-il affirmé.
Il a fait valoir que la situation était « un casse-tête pour tout le monde ». Et que les marchands n’imposaient pas les règles de gaieté de cœur. Il a laissé entendre que la nouvelle donne dictée par la pandémie va à l’encontre de la vocation de l’épicerie où, auparavant, les gens pouvaient échanger avec les employés, circuler à leur guise, jaser avec la voisine ou encore goûter à un nouveau produit. « On dit : profession épicier. Pas policier. La situation actuelle est un peu contre nature », évalue Jean-François Belleau.
Comment les clients composent-ils avec les règles sanitaires implantées dans les épiceries pour freiner la propagation de la COVID-19 ? Voici quelques témoignages recueillis via Facebook.