Opinion

Des intervenants au bout du rouleau

le mercredi 11 décembre 2019
Modifié à 15 h 56 min le 11 décembre 2019
L’exode du personnel qui sévit actuellement dans les centres jeunesse à travers le Québec accentue sérieusement la crise que traverse notre système de protection de la jeunesse. Le ministre Lionel Carmant, grand patron des centres jeunesse, doit intervenir de toute urgence pour enrayer l’hémorragie sinon les intervenant(e)s vont prendre les moyens nécessaires pour attirer l’attention sur une situation devenue intenable et qui ne peut plus durer. L’émission Enquête a levé le voile sur les conditions difficiles dans lesquelles travaillent les intervenant(e)s dans les centres jeunesse du Québec. Des conditions qui n’ont pas changé d’un iota depuis le drame de Granby et qui s’aggravent parce que les intervenant(e)s commencent à quitter massivement leur emploi, étant au bout du rouleau et ayant perdu tout espoir d’amélioration à court et moyen terme. Ça fait des mois que nous dénonçons la situation dans les centres jeunesse de Montérégie. Nous avons alerté le ministre Carmant, nous avons interpellé nos élus régionaux à l’Assemblée nationale, nous avons indiqué maintes fois que les sommes annoncées l’été dernier ne suffisaient pas, nous avons mis en garde tant le ministre Carmant que la ministre de la Santé Danielle McCann de la possibilité d’un exode si on ne donnait pas un coup de barre plus énergique que ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Le problème, c’est que tout le monde se retranche derrière la Commission Laurent, devenue un paravent politique pour justifier les atermoiements. Résultat: la situation continue d’empirer. L’exode est directement lié à la fusion des listes d’ancienneté entraînée par la création des nouvelles unités d’accréditation à l’échelle des centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) tel que celui de la Montérégie-est. C’est encore une des conséquences de la réforme instaurée en 2015. Cette situation offre l’occasion aux intervenant(e)s, souvent parmi les plus expérimenté(e)s, de quitter les centres jeunesse pour d’autres postes dans le réseau. Après plusieurs années sur la «ligne de front», ils et elles n’en peuvent plus de travailler dans un environnement exigeant et qui ne cesse de se détériorer. Ils et elles décident de changer de poste. Pour la Montérégie, plus d’une trentaine d’intervenant·e·s ont déjà postulé à l’extérieur du centre jeunesse. Une quarantaine a fait le même choix dans d’autres régions. Et les chiffres vont augmenter à l’échelle provinciale, car la fusion des listes d’ancienneté se poursuivra au cours des prochaines semaines. Au total, quelque deux cents intervenant·e·s risquent de partir si rien n’est fait. La situation est critique. Il y a un terrible problème de surcharge de travail dans les centres jeunesse. En Montérégie, le nombre de signalements traités et retenus a augmenté de 10 % par rapport à l’an dernier, des chiffres qui grimpent en flèche depuis des années. La titularisation de postes annoncée l’été dernier n’a réduit en rien le « caseload » surchargé des intervenant·e·s, car il n’y a pas plus de «bras» sur le terrain pour faire le travail. La situation est toujours potentiellement explosive. Un leadership attendu À titre de responsable des centres jeunesse, le ministre Carmant doit faire preuve de leadership et rouver des solutions qui sortent des sentiers battus. Quelque six mois après l’incident tragique de Granby et toutes nos mises en garde, c’est comme si le gouvernement n’avait rien appris, se désole Fabienne Chabot. Je le répète : nos intervenenant(e)s n’en peuvent plus. Si rien n’est fait pour juguler cet exode, nous n’aurons d’autre choix que d’entamer des actions de sensibilisation énergiques. On ne peut pas attendre que la Commission Laurent dépose officiellement ses recommandations, alors que le feu est «pogné dans la cabane» et que des milliers d’enfants comptent sur le meilleur système possible pour s’en tirer. Nous avons le devoir de dénoncer la situation et d’en appeler aux meilleures volontés dans ce dossier. Fabienne Chabot, représentante nationale de l’APTS de Montérégie