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Deux amies touchées par le suicide témoignent pour briser les tabous

le vendredi 14 février 2020
Modifié à 15 h 10 min le 14 février 2020
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Amélie Couture, de Sainte-Martine, et Myriam Verret, de Mercier, préparent un grand projet qui ne tombe pas super bien diront certains : relever le Défi trail de la Grande muraille de Chine pour la prévention du suicide. Elles espèrent bien que le fameux coronavirus ne changera pas leur plan et elles sont confiantes. Le rendez-vous est seulement en mai et, au fond, leur périple est déjà commencé. Raconter leur histoire, célébrer la vie fait partie de la démarche des deux amies qui se présentent comme des «Tournesols en hiver». Les deux sont touchées de près par le suicide. Le père d’Amélie s’est enlevé la vie alors qu’elle avait 18 ans, sa sœur a fait des tentatives et elle-même a le mal de vivre depuis l’enfance. La fille de Myriam souffre de troubles anxieux et de sombres pensées l’habitent parfois. «Pour moi, me lancer là-dedans, ça veut dire m’exposer au grand jour, d’être capable de parler de moi, parler de mon histoire, confie Amélie. Le fait qu’on en parle, ça donne une ouverture aux autres gens d’en parler. Ça brise un peu les tabous.» Se pardonner Amélie confie qu’elle était très proche de son père. Elle s’en est voulu de ne pas pouvoir le sauver. «Je le savais qu’il n’allait pas bien mais je n’avais pas les outils, à 18 ans, pour être capable de l’aider. Ce n’était pas évident», dit la femme maintenant âgée de 37 ans. «Moi-même, depuis jeune, j’ai assez le mal de vivre. Je disais avant que c’était quasiment l’histoire de ma vie le suicide. Mais je veux essayer de passer à autre chose.» Est-ce qu’elle a eu l’impression que son père l’avait abandonnée, qu’il ne l’aimait pas assez pour vivre ? «Non, je pense qu’il nous aimait assez, justement. Une des raisons : il trouvait qu’il était un fardeau pour nous. C’était pour nous libérer, dans un sens, je pense», dit-elle. «Pardonner, ajoute-t-elle, c’est le processus que je suis en train de faire, de me pardonner de ma culpabilité de ne pas avoir pu l’aider. Le pardonner parce que, dans les cheminements à travers les années, je n’avais jamais éprouvé de colère. Je m’en voulais juste à moi. Jusqu’au moment où j’ai réalisé : ce n’était quand même pas correct. Tu m’as quand même abandonnée. C’est un processus de pardon envers moi-même de pardonner le geste qu’il a fait. C’est vraiment de passer à une autre étape.»
Amélie Couture et Myriam Verret au sommet du Mont Algonquin, le deuxième plus haut des Adirondacks, aux États-Unis, en septembre 2017. «Ce fut notre première randonnée ensemble, une journée qui s’est révélée magique et où la grandeur de notre amitié est née», fait part Émilie Couture. (Photo gracieuseté)
Vivre de passions Les passions lui ont permis de s’accrocher à la vie, dit Amélie, comme les randonnées en montagne, qu’elle partageait avec son père et maintenant avec Myriam. «Depuis que je suis toute petite que j’ai des idées suicidaires, que je me dis pourquoi je vis, je ne suis pas bien, je souffre et c’est un mal qui ne s’explique pas. Je me suis toujours accrochée à des passions. Plus jeune, c’était le théâtre. Il faut toujours que je fasse quelque chose. Et, dans les dernières années, les montagnes, c’est la nature, c’est une libération, c’est une méditation.» Sur le plan professionnel, Amélie est directrice clinique à l’Hôpital vétérinaire Roussillon à Ville de Sainte-Catherine. Myriam est gérante de la Fromagerie Atwater au Marché Atwater. L’histoire de Myriam Quand Amélie lui a fait part de son projet, Myriam confie qu’elle trouvait ça «extraordinaire» mais qu’elle ne «s’appropriait pas la cause». Sa fille de 16 ans avait de graves troubles anxieux, elle avait des idées suicidaires, mais elle confie qu’elle ne réalisait pas. «Quand ça nous arrive à nous, on dirait que ça prend un temps avant d’absorber : elle veut vraiment s’enlever la vie, ma fille à moi !», témoigne Myriam. Une conférence de Nicole Bordeleau sur «Réinventer sa vie» l’a amenée à une réflexion plus profonde, confie-t-elle. «J’ai réalisé que la cause d’Amélie c’était comme ma cause», souligne-t-elle. «On s’est dit qu’en faisant ce projet-là ensemble, c’était une façon d’en parler, de briser les tabous et d’aller rejoindre les gens.» Le projet, se réjouit Myriam, a ouvert la discussion avec sa fille. «Ça a amené un cheminement de moi en tant que maman, de moi en tant qu’amie de moi personnellement et ma grande dans son processus. C’est tout ça qui s’est passé.» Argent à amasser Le Défi organisé par Courir pour la vie consiste à courir 70 km sur la Grande muraille de Chine en cinq jours. Chaque participante doit amasser 2500 $. Les intéressés peuvent contribuer sur le site web de Courir pour la vie. Les deux amies ont choisi le centre de crise en santé mentale la Maison sous les arbres à Châteauguay comme organisme bénéficiaire. «C’est proche de nous, si ça ne va pas bien, appelle», exhorte Amélie. Le numéro est 450 699-5935. Tournesols en hiver Amélie Couture et Myriam Verret ont également une page Facebook baptisée «Les Tournesols en hiver» où elles partagent leurs périples, leurs histoires. Des Tournesols en hiver, c’est un grand défi… «Oui, ça veut tout dire !» rit Amélie. Elle précise qu’elle et Myriam aiment les tournesols et que son père les aimait aussi. «C’est un petit rayon de soleil. Des fois, les gens regardent l’apparence. T’es souriante, t’es un petit rayon de soleil mais ils ne voient pas ce qu’il y a en dedans. Les tournesols en hiver c’est essayer d’apprendre à rayonner même quand il y a des temps sombres. On a des up, on a des downs, mais on essaye toujours de s’en sortir. C’est essayer de rire quand il ne fait pas beau en dedans.» «Il y a un côté humoristique là-dedans, c’est d’essayer de rayonner peu importe, il y a des moyens de le faire. On les cherche et on les trouve», renchérit Myriam. «Et il y a des amis qui sont là pour aider vraiment ! C’est notre petit rayon de soleil», conclut Amélie. Maison sous les arbres Amélie et Myriam ont décidé de soutenir la Maison sous les arbres. Cet organisme situé à Châteauguay offre de l’aide aux personnes en détresse psychologique avec ou sans idées suicidaires ainsi qu’à toute personne désirant recevoir de l’aide en lien avec cette problématique. Le numéro à composer est le 450 699-5935.

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