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Une étude remet en question la pertinence du REM

le mardi 11 septembre 2018
Modifié à 8 h 16 min le 11 septembre 2018
Le Réseau express métropolitain (REM) devrait être annulé. C’est à cette conclusion qu’en vient l’étude Test climat réalisée par deux experts en mai. Performance environnementale surévaluée, projet trop coûteux, mauvais modèle d’affaires et perte d’efficacité sont autant de raisons pour lesquelles le vaste projet de transport collectif ne serait pas la meilleure option pour le Grand Montréal. L’étude financée par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et la Coalition climat Montréal se veut une analyse répondant à l’étude d’impacts conçue par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) Infra, qui avait reçu son lot de critiques.   Trop coûteux La technologie privilégiée du métro léger automatisé entraîne de nombreux coûts en infrastructures, puisque le réseau implique des sections aériennes ou souterraines. «On va perdre des milliards de dollars en infrastructures pour économiser quelques millions de dollars en salaires de conducteurs», note l’enseignant du département d’études urbaines et touristiques à l’UQAM Jean-François Lefebvre, coauteur de l’étude avec Luc Gagnon, expert en analyses énergétiques et changements climatiques. L’étude évalue que les coûts d’exploitation atteindront les 600 M$ par an en 2031, qui entraîneront forcément une hausse de la tarification, croient-ils. En se basant sur la répartition des coûts entre le gouvernement, les villes et les usagers, ces derniers pourraient subir une hausse de tarif de 18%, évaluent-ils. «Il en résultera une baisse de l’achalandage global du transport collectif estimée entre 289 000 et 490 700 déplacements par jour», prévoit l’étude.   «Compétitif» Selon CDPQ Infra, le tarif chargé à l’Agence régionale de transport métropolitain (ARTM) sera de 72¢ par passager-kilomètre. Un tarif inférieur à celui du train (89¢ par passager-kilomètre) et de l’autobus (73¢ par passager-kilomètre). «On est moins cher, pour un réseau complètement neuf. Ce tarif inclut le coût de construction, l’amortissement des immobilisations. On est vraiment très compétitif», expose le directeur aux relations médias du REM Jean-Vincent Lacroix. Il contredit également l’argument d’une éventuelle hausse des tarifs qui réduirait l’achalandage, rappelant l’intégration tarifaire qu’appliquera l’ARTM. «Il n’y aura pas un tarif pour le REM, mais un tarif intégré qui servira à plusieurs modes de transport», soulève-t-il. Les estimations de la CDPQ Infra chiffrent plutôt à 438 M$ les coûts d’exploitation en 2027; et à 592 M$ advenant un seuil de 140% de l’achalandage.   Capacité limitée Les chercheurs déplorent que la méthode du «bon mode au bon endroit» n’ait pas été employée par CDPQ Infra. Une seule technologie a été choisie pour desservir des secteurs aux besoins distincts. «Premièrement, tous les stationnements incitatifs seront remplis rapidement chaque matin, dit le rapport. Deuxièmement, sur les antennes de Deux-Montagnes et de la Rive-Sud, la capacité du REM atteindra sa capacité maximale pendant les périodes de pointe.» De plus, le métro léger automatisé présenterait un handicap majeur par rapport au tram-train. «En raison du parcours aérien, le skytrain est limité à quatre voitures. Il ne répondra même pas à la demande à l’heure maximale de pointe – le réseau doit soutenir la moitié de la demande en une heure. Même si la Caisse dit qu’il y aura beaucoup de trains, et donc plus de sièges, les trains que l’on remplace sont tellement gros que ça ne pourra répondre à la demande», évoque M. Lefebvre. Officiellement, la capacité d’une voiture est de 150 passagers, et donc de 600 par train. Lorsque les chercheurs ont ouvertement critiqué cette capacité du REM, la CDPQ Infra aurait «répliqué» en modifiant les données sur son site Web, rapporte M. Lefebvre. Ainsi, chaque train aurait dorénavant une capacité de 780 passagers. Cela signifie 5,5 usagers par mètre carré, considérant que les places assises représentent 20% de la capacité. Cette donnée ne respecterait pas la norme de confort, fixée à 2 passagers par mètre carré par l’AMT.   Capacités théorique et maximale Selon la CDPQ Infra, le REM jouira d’une flexibilité de sa capacité en augmentant la fréquence des passages. En heures de pointe, le REM passera toutes les deux minutes et demie. Une fréquence qui pourrait être ajustée selon les besoins. M. Lacroix fait valoir que des trains de maximum quatre voitures, et donc d’une longueur maximale de 80 mètres, permettent de construire de plus petites infrastructures et de plus petits quais que pour des trains comme ceux sur la ligne Deux-Montagnes. Quant à la capacité même des voitures, il clarifie que le nombre de 600 passagers représente la capacité théorique (soit «combien on accueille de personnes au minimum»); et 780 passagers, la capacité maximale. «On se rendait compte que les détracteurs du projet comparait la charge maximale d’un train et à la capacité théorique du REM. Il faut comparer des pommes avec des pommes. Entre les deux charges maximales, le REM offre plus de capacité», avance Jean-Vincent Lacroix. Quant à la crainte évoquée par l’étude de rapidement atteindre la pleine capacité, «on a de la flexibilité, et tout est basé sur les études d’achalandage, assure-t-il. On est très confiant qu’on va répondre aux besoins.»
Performance environnementale Selon l’étude, la construction du REM produira à elle seule 800 000 tonnes de CO2. L’utilisation du ciment et de composantes en acier serait la principale responsable. L’étude dévoile de plus que le choix de cette technologie se traduirait par l’émission de trois à quatre fois plus de GES par déplacement-km qu’un tramway. Les chercheurs jugent que la CDPQ Infra a fait preuve d’un «manque de rigueur flagrant» dans son analyse de la production de GES. Elle estimait les impacts de la construction à 86 930 tonnes de GES, ce qui ne tient pas compte du cycle de vie complet des matériaux de construction. Si le REM entraînait une baisse de 5000 déplacements en auto sur la Rive-Sud sans hausse de tarif, une hausse des tarifs pourrait causer une hausse globale de 163 000 déplacements en voiture par jour, estiment les chercheurs. Autre facteur pris en considération, dans la formule, la voiture demeure le moyen utilisé pour se rendre aux stationnements incitatifs, qui favorisent l’étalement urbain.   Moins d’autos solos Tout système de transport collectif vise à réduire l’auto solo, lance Jean-Vincent Lacroix. Le REM permettrait d’enlever des milliers de voitures sur le réseau routier, en attirant les gens vers un système électrique, donc peu polluant. De plus, en 25 ans d’exploitation, la réduction de GES atteindrait les 680 000 tonnes, considérant seulement les impacts directs du REM. «Pour un métro, on utilise plus de béton par station, comparativement au REM, ajoute M. Lacroix. L’utilisation est même plus importante et on ne remettrait jamais en cause le métro, qui a transformé notre façon de se déplacer.»   Mauvais modèle d’affaires Le modèle d’affaires où CDPQ Infra gère ce vaste projet nuit également au REM, croit Jean-François Lefebvre. Le financement est réparti entre Québec, les villes et les usagers. Les villes sont liées et n’ont d’autres choix que de payer, alors qu’un nouveau gouvernement pourrait modifier sa part de financement, fait valoir M. Lefebvre. «La CDPQ a mis 3 G$ et on met 7 G$ d’investissements publics, mais la CDPQ est propriétaire à 100% d’un projet qu’elle peut vendre facilement trois fois la valeur», déplore-t-il. Que le projet soit ainsi géré par des investisseurs plutôt que des planificateurs en transport entraîne des inconvénients, selon M. Lefebvre, en raison d’une méconnaissance du transport qui a mené à de mauvaises décisions. «On est en train de démanteler la seule ligne électrifiée [Deux-Montagnes]. C’est une aberration de gaspillage!»   «Volonté à long terme» Se gardant de commenter une hypothèse selon laquelle un changement de gouvernement entraînerait une modification de la contribution de Québec, Jean-Vincent Lacroix réitère la «volonté à long terme» de la CDPQ à investir dans le REM. «L’objectif est d’avoir un investissement à long terme en infrastructures. C’est l’idée du REM.»   Trop tard pour faire marche arrière? Jean-François Lefebvre estime qu’il n’est pas trop tard pour faire marche arrière et se tourner vers des technologies adaptées aux besoins de chaque secteur. Quant aux contrats déjà accordés, certains ne seraient pas complètement perdus. Il fait de plus valoir que les investissements sur le pont Champlain pourraient toujours servir, les installations pour accueillir le REM convenant aussi à un tram-train. «Il y a moyen de ménager la chèvre et le chou. Si on annule des contrats, jusqu’à combien sommes-nous prêts à perdre pour sauver des coûts d’exploitation de 600 M$ par an?»   Travaux entamés Selon les documents de la CDPQ, des travaux sont entamés dans quelques secteurs de la région métropolitaine. Des piliers sont actuellement érigés sur la Rive-Sud et des travaux préparatoires ont été amorcés à la station Édouard-MontPetit et Mont-Royal.   Un tram-train serait la solution sur la Rive-Sud L’étude Test-climat démontre les nombreux avantages d’un tram-train (système léger sur rail – SLR) sur le pont Champlain, longeant le boul. Taschereau jusqu’au métro Longueuil, qui bifurquerait également vers l’ouest, en direction de La Prairie. Sans les limites d’un réseau aérien ou souterrain, les coûts d’infrastructures fonderaient considérablement. De plus, le nombre de stations pourrait être beaucoup plus importants. «Au lieu de devoir se rendre à un immense stationnement incitatif, entraînant inévitablement la congestion, il y aurait beaucoup plus de stations, et une série de correspondances [avec les autobus]», note Jean-François Lefebvre. «Le tram-train pourra desservir un grand nombre de déplacements internes à la Rive-Sud, alors que le REM ne fait que desservir les déplacements vers Montréal. Conclusion: le tram-train attirera beaucoup plus d’usagers que le REM (74 000 déplacements /jour)», explique une fiche comparative. L’une des forces d’un transport collectif est le nombre de gens qui y ont accès à pied, rappelle M. Lefebvre. Un tramway en milieu urbain augmenterait ainsi considérablement les accès piétonniers au transport collectif.