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Fin de la subvention aux véhicules électriques : débranchement hâtif, selon des intervenants

le mercredi 03 avril 2024
Modifié à 8 h 19 min le 04 avril 2024
Par Guillaume Gervais

ggervais@gravitemedia.com

Il existe plus de 9 200 bornes de recharges publiques à travers le Québec. (Photo: Le Courrier du Sud - Archives)

Le gouvernement du Québec a annoncé, le 11 mars, qu’il allait retirer la  subvention pour l’achat d’un véhicule électrique de son budget d’ici 2027. Depuis, une course contre la montre est enclenchée pour les clients qui souhaitent s’en procurer un.  

Moins de 20 minutes après l’annonce du budget au téléjournal de 18h, Jean-François Charest, directeur des ventes du concessionnaire Hyundai, à Brossard, recevait de nombreux appels de clients, autant des nouveaux qui voulaient acheter un véhicule électrique que des clients actuels qui voulaient connaître leur position dans la liste d’attente.

«Les véhicules sont déjà vendus avant même d’arriver ici, s’exclame-t-il à propos de la forte demande. On voit aujourd’hui que ce n’est plus nécessairement les gens qui ont la pensée plus verte qui veulent s’en acheter un, mais monsieur madame Tout-le-Monde.»

Il estime qu’environ 30% de sa clientèle a acheté un véhicule électrique cette année et que deux clients sur cinq en demandent un.

Même constat du côté de Karol Duzza, PDG de Méga Kia Brossard qui a remarqué un engouement depuis l’annonce du gouvernement. D’ailleurs, il presse les clients qui ont «de la flexibilité» à se procurer des modèles disponibles.

«Si le dealbreaker, c’est la subvention, je pense que ça vaut la peine de changer de couleur», explique-t-il. M. Duzza évalue qu’un client sur deux fait la demande pour un véhicule électrique.

De son côté, Sébastien Boisvert, de Toyota Candiac, croit qu’autant les manufacturiers que les gouvernements devront faire des efforts s’ils veulent assurer l’avenir de ces modèles.

«En réduisant les subventions, on va freiner la vigueur qu’on essaie d’implanter, soutient-il. Il va falloir que les technologies des véhicules électriques s’améliorent grandement pour être capables d’aller chercher une plus grande majorité de consommateurs.»

De son côté, la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ) a dénoncé l’arrêt hâtif de l’aide financière.

«En tant qu’industrie, nous nous attendions à la fin progressive des incitatifs pour acheter un véhicule électrique, mais dans un horizon bien plus lointain, a déclaré Ian P. Sam Yue Chi, président de la CCAQ. Alors que les objectifs gouvernementaux qui auraient dû mener à une telle décision sont loin d’être atteints, Québec prend une décision regrettable qui, au-delà de nuire à tout un secteur en pleine mutation vers une économie plus verte, laisse tomber les Québécois.»

Encore beaucoup à faire

Selon un sondage de la firme Léger déployé après la présentation du budget, le retrait de l’aide financière est la mesure la moins appréciée des Québécois.

«On a mis beaucoup d’efforts pour sensibiliser la population à acheter des véhicules électriques, se désole Simon-Pierre Rioux, porte-parole de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ). On savait que quelque chose allait arriver en 2027. C’est peut-être un peu trop tôt.»

M. Rioux explique que le gouvernement est loin de son objectif d’avoir 2 millions de véhicules électriques sur les routes du Québec d’ici 2030.

«Certaines études disaient qu’on n’arriverait pas à la parité des prix avant 2033, soutient-il. Cette mesure-là va décourager beaucoup de personnes qui envisageaient de s’acheter un véhicule électrique.»

Il craint que les manufacturiers réduisent leur volume de production de ces modèles si la demande baisse.
«Les investissements prévus en G$ d’euros pour changer les chaînes d’approvisionnements vont être réduits», plaide-t-il.

M. Rioux estime qu’un système bonus-malus, populaire en Europe, serait un bon incitatif qui remplacerait l’aide financière, mais le gouvernement ne serait pas intéressé, selon ses dires. Ce processus de redevance-remise, proposé par Équiterre, offre aux consommateurs qui veulent se procurer un véhicule électrique une subvention financée par ceux qui font l’achat d’un véhicule énergivore. 

Il craint également que l’aide financière fédérale qui s’élevait à 5 000$ puisse être à risque advenant un changement de gouvernement.

«Ça tuerait l’électromobilité», se désole-t-il.