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Le deuil à hauteur d'enfant

le mercredi 24 novembre 2021
Modifié à 9 h 45 min le 25 novembre 2021
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Les enfants ont leur façon propre de vivre le deuil. (Photo : Le Courrier du Sud ‒ Denis Germain)

La Maison des petits tournesols déploie des services que peu d’organismes proposent : de l’aide aux enfants de familles endeuillées. Le décès d’un père, d’un ami, d’une sœur terrasse toute la famille, et l’enfant, au cœur des préoccupations de l’organisme de Longueuil, a sa façon propre de vivre le deuil.

«Un adulte va vivre le deuil d’un coup, ou va aussi camoufler certaines choses. Mais un enfant consacre aussi des efforts à être un enfant. On pense qu’il n’est pas en deuil parce qu’il joue, mais ça peut venir en grandes vagues et là, les parents sont déstabilisés», décrit Éric Ramirez, intervenant psychosocial et coordonnateur communautaire-famille à la Maison des petits tournesols, dans l’arr. du Vieux-Longueuil.

Certains événements peuvent agir comme des déclencheurs chez l’enfant. Lors d’étapes significatrices, telle la rentrée au secondaire, l’enfant prend conscience qu’il manque quelqu’un.

«Ça amène des émotions qu’il ne comprend pas», soutient Roxanne Côté, coordonnatrice administration et partenariat, formée en psychologie.

Éric Ramirez et Roxanne Côté (Photo : Le Courrier du Sud - Denis Germain)

Les familles se tournent vers la Maison des petits tournesols à diverses étapes du deuil. Ce peut être à la suite du décès d’un membre de la famille, d’un ami, ou même d’un voisin, s’il a été particulièrement important pour l’enfant.

«Qui est cette personne pour toi?» Voilà l’une des premières questions posées au sujet de la personne décédée.

«Le discours autour de la mort d’un grand-parent, c’est de dire "c’est normal, il était vieux". Mais parfois, un grand-parent agit comme une figure parentale, un phare émotionnel. Il devient très important pour l’enfant», illustre M. Ramirez.

Le besoin d’aborder le deuil est parfois exprimé de la bouche de l’enfant, qui veut partager avec d’autres vivant la même chose, alors que d’autres fois, il nait d’inquiétudes des parents, qui remarquent chez lui des changements de comportements, tels des crises ou un sommeil agité.

«Avec les connaissances que l’on a sur le deuil chez l’enfant, on leur répond que c’est normal qu’il fasse des cauchemars, que ce sont dans changements normaux, expose Mme Côté. Ça les rassure.»

Prise de contact

En plus du service d’écoute téléphonique, la Maison des petits tournesols offre des suivis individuels et des groupes de soutien pour enfants endeuillés.

La première étape constitue toujours en une rencontre de prise de contact avec l’ensemble de la famille, suivie de rencontres individuelles.

«On encourage ensuite tout le monde à y réfléchir à la maison. Ça peut prendre un mois avant que les gens reviennent», témoigne Éric Ramirez. 

«Le deuil est un processus, ça demande une adaptation dans plein de sphères de ta vie. Tu n’as pas toute ton énergie à mettre sur un suivi», poursuit Roxanne Côté.

L’ensemble de l’équipe, constituée d’une dizaine de bénévoles et d’un comité de pratique, est formée en écoute active.

«On offre un accompagnement, ce n’est pas un suivi psychologique. On va aller au même rythme que la personne et l’aider à trouver ses propres solutions», détaille Mme Coté.

De tous âges, en tout temps

Une grande part des jeunes qui bénéficient de ces services sont âgés entre 8 et 12 ans. Mais leur dossier demeure ouvert jusqu’à 21 ans, rendant possibles des rencontres ponctuelles.

Les objectifs derrière ces rencontres demeurent les mêmes : reconnaître ses émotions, discuter de ce qu’est la mort, la vie…

«On offre à tous un espace sécuritaire, accueillant, bienveillant, respectueux», mentionne Roxanne Côté.
«L’ado a plus besoin de parler de l’impact que ç’a eu dans la famille, d’avoir quelqu’un à qui raconter, de pouvoir dire, par exemple, «Mon père s’est suicidé»», illustre son collègue.

«Ils ont besoin de parler de la personne, de la mort, poursuit-il. Des jeunes nous disent qu’ils n’ont plus personne pour jouer aux jeux vidéo, après la mort d’un frère, par exemple. Ils disent "Maman joue avec moi, mais elle est poche!" On l’entend souvent! C’est un peu déconcertant pour le parent, parce qu’il trouve ça banal, mais pour le jeune, c’est important.»

Aide aux parents

Bien que l’enfant soit au cœur des démarches de l’organisme, un soutien est aussi offert aux parents.

«On pourrait avoir une approche juste pour les enfants, mais l’enfant, une fois à la maison, va poser beaucoup de questions, il va avoir des réflexions», relève Éric Ramirez.

«Le café-causerie offre un espace pour les aider à mieux accompagner les enfants, mais aussi pour «s’oxygéner», explique-t-il. C’est là où ils peuvent vivre de vives émotions, des crises, qu’ils ne veulent pas nécessairement montrer à la maison. Ensuite, ils sont plus détendus et réceptifs.»

Un local est aménagé pour les enfants, incluant une section réservée aux adolescents. (Photo : Le Courrier du Sud ‒ Ali Dostie)

Répercussions pandémiques

En plus d’assurer un suivi auprès des familles inscrites depuis ses débuts en 2018, la Maison des petits tournesols a accueilli 33 nouvelles familles au cours de la dernière année.

L’impact de la pandémie sur le processus de deuil chez les enfants a été indéniable.

Le décès de personnes atteintes de la COVID-19 a notamment entraîné la notion de culpabilité. «L’enfant a été en contact avec la personne vulnérable, et il pose la question "Est-ce de ma faute?" Et on ne le saura jamais», donne en exemple M. Ramirez.

«Chez les 3-5 ans, ils ont beaucoup l’impression que tout est relié à eux, détaille Mme Côté. Ils ont cette logique de pensée. Évidemment, à cet âge, ils ne l’expriment pas de la même façon. La culpabilité peut passer en larmes.»

L’absence de rituels ou le fait d’écarter les enfants de ces rituels – en raison des limites de capacités lors des funérailles – peut aussi susciter de la tristesse et de la colère, et entraîner un sentiment d’injustice accentuant le déni et le sentiment d’irréalité entourant le décès.

 

 

Forte demande
Au départ installé dans le Vieux-Montréal, la Maison des petits tournesols occupe des locaux de la Maison Gisèle-Auprix, dans l’arr. du Vieux-Longueuil, depuis un an. Elle attire des familles de plusieurs villes de la Rive-Sud, et même de la Rive-Nord.

Malgré la demande croissante, les délais d’attente sont limités à moins d’un mois, alors qu’en CLSC, ils peuvent s’étirer sur plus d’un an et demi.

L’organisme collabore d’ailleurs avec les CLSC et les organismes et services complémentaires.

Dans un avenir rapproché, l’organisme souhaite développer davantage ses services pour le deuil chez les tout-petits.

Campagne de sociofinancement
Une campagne de sociofinancement est en cours afin de soutenir les activités de la Maison des petits tournesols.

L'objectif de 10 000$ vise à couvrir 6 mois de loyer et à offrir un groupe de soutien complet de 10 séances à des enfants endeuillés et leurs parents. En date du 9 novembre, près de 7 000$ avaient été amassés.

Pour faire un don: Soutenir les enfants et les familles en deuil