Actualités

Le «Rambo québécois» honoré pour ses exploits de guerre

le jeudi 09 septembre 2021
Modifié à 14 h 37 min le 09 septembre 2021
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

Le fils de Léo Major, Daniel-Aimé Major, est l’une des personnes ayant pris la parole durant la cérémonie. (Photo : Le Courrier du Sud – Denis Germain)

À Zwolle, aux Pays-Bas, tout le monde connaît le nom de Léo Major. Celui appelé le «Rambo québécois» ou le «fantôme borgne» a libéré la ville néerlandaise de 50 000 habitants de l’occupation allemande à lui seul en 1945. Alors que sa notoriété commence à prendre forme au Canada, la Ville de Longueuil a rendu hommage à l’ancien combattant en lui dédiant une plaque didactique au parc qui porte son nom, entre le boulevard Curé-Poirier et la rue Frontenac.

La plaque offre un compte-rendu des exploits de ce héros de guerre qui a résidé à Longueuil pendant de nombreuses années jusqu’à son décès en 2008 à Candiac. Elle relate également la contribution du Canada lors de la Seconde Guerre mondiale.

«Longueuil se souvient de Léo Major, un héros de guerre trop peu connu, a souligné la mairesse de Longueuil Sylvie Parent. Elle est fière de rendre hommage à l’un des plus grands héros militaires canadiens et d’être l’une des premières villes canadiennes à l’honorer.»

L’histoire de Léo Major n’est pas banale. Alors que Zwolle est aux mains des Allemands, il y entre dans la nuit du 13 au 14 avril 1945 avec trois mitraillettes et des grenades, et se lance dans une pétarade afin de faire croire que l’armée canadienne au complet a investi la ville. Il saisit le commandant des troupes allemandes, lui met une carabine sur la tête et le force à dire à ses soldats de se sauver parce que les Canadiens sont sur place.

Au lever du soleil, Zwolle est de nouveau néerlandaise.

Le petit-fils de Léo Major, Jean-Nicholas Major, la mairesse de Longueuil Sylvie Parent et le fils de Léo Major, Daniel-Aimé Major, dévoilent la plaque didactique. (Photo : Le Courrier du Sud – Denis Germain)

«Il devait seulement être en mission de reconnaissance, il ne devait pas libérer la ville», explique Éric Marmen, directeur du Musée du Régiment de la Chaudière, que Léo Major avait intégré volontaire en 1940.

«C’était une mission dangereuse, personne ne voulait y aller, poursuit-il. Sauf Léo et son frère d’armes Willie Arsenault, qui est décédé au cours de la mission. Les autres gars du régiment de la Chaudière ne pensaient pas le revoir. Ils croyaient à une blague lorsqu’il évoquait la libération de la ville. Et il l’a fait!»

Un «nom du présent»

Selon le fils de Léo Major, Daniel-Aimé Major, les exploits de son père commencent à gagner en notoriété au Québec et au Canada. Ce n’est toutefois rien comparé à ce qu’il voit aux Pays-Bas.

«C’est surréaliste là-bas, exprime-t-il. Sur place, c’était très émouvant. Il y avait des photographes, des caméras, on marchait dans les rues et les gens sortaient leur cellulaire. Partout où on allait, on nous recevait à bras ouverts, on nous donnait des cadeaux même si on n’en demandait pas!»

Léo Major a été fait citoyen d’honneur à Zwolle en 2005, une grande rue porte son nom et une exposition spéciale raconte son histoire dans un musée militaire national. Son frère d’armes Willie Arsenault a également été honoré, alors qu’un parc porte son nom.

«C’est un héros qui ne sera jamais oublié aux Pays-Bas, affirme le Consul honoraire du Royaume des Pays-Bas à Montréal Michael Polak. C’est très différent du Québec et du Canada, son histoire y est vraiment enseignée.»

«Aux Pays-Bas, c’est comme si la guerre a eu lieu la semaine passée. Son nom n’est pas un nom du passé, mais un nom du présent.»

- Michael Polak , consul honoraire du Royaume des Pays-Bas à Montréal

Si les Néerlandais sont reconnaissants envers Léo Major, ils le sont également pour le pays en entier.

«La première fois que j’y suis allé, c’était émouvant de voir les gens nous appeler les libérateurs, raconte Éric Marmen. J’en ai encore des frissons. Je leur disais : "je suis dans la trentaine, je ne suis pas un libérateur", et ils me répondaient : "tous les Canadiens sont nos libérateurs".»

Humble et déterminé

Aussi spectaculaire que l’est son histoire, selon Daniel-Aimé Major, son père n’était pas du genre à crier ses exploits sur tous les toits.

«C’était quelqu’un de très humble, indique-t-il. Il ne parlait jamais de ses faits d’armes, il gardait ça secret. Dans les années 1970, des gens des Pays-Bas sont venus ici et il a raconté son histoire. Ma mère l’a regardé en disant : "pourquoi tu ne me l’as jamais dit?"»

Plusieurs personnes étaient sur place pour assister à la cérémonie, dont des membres du Royal 22e Régiment et du Régiment de la Chaudière. (Photo : Le Courrier du Sud – Denis Germain)

Par ailleurs, l’histoire de Léo Major et de la libération de Zwolle aurait pu ne jamais arriver si l’ancien combattant avait écouté son bilan médical. Dès le début du conflit armé, il a perdu l’usage de l’œil gauche. On lui a dit de retourner chez lui, mais il a insisté pour rester, prétextant qu’il tirait de l’œil droit.

Il a plus tard roulé sur une mine avec son véhicule, lui causant de nombreuses fractures, notamment à la colonne vertébrale et aux côtes.

«Il avait aussi un talent formidable pour échapper à la bureaucratie, souligne Gaston Côté, brigadier général du Royal 22e Régiment à la retraite. Normalement, il aurait dû être renvoyé chez lui, déclassé de façon médicale. Mais il est resté par abnégation et par protection pour ses confrères.»

«N’importe qui de normal aurait arrêté, suggère de son côté Éric Marmen. Lui, il était anormal. C’était un superhéros. Pas comme Iron Man ou Thor, mais encore meilleur, parce que ce qu’il a fait, c’est vrai.»