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Les manifestants de McGill n’ont pas la bénédiction officielle des Mohawks

le mercredi 08 mai 2024
Modifié à 16 h 41 min le 07 mai 2024

(photo : Archives)

Les Mohawks n’ont jamais officiellement donné leur appui aux organisateurs du campement pro-Palestine sur le campus de l’Université McGill. Le conseil mohawk de Kahnawake se dissocie d’ailleurs d’une lettre en apparence officielle — et semée un peu partout sur le site — signée par Stuart Myiow, un Mohawk ayant tenu par le passé des propos niant la Shoah.

Lise Denis, Initiative de journalisme local - Le Devoir

Mis au courant, les organisateurs ont retiré ces affiches. « Il y avait des allégations d’antisémitisme. […] Nous avons examiné l’avis et nous l’avons retiré, car ce mouvement n’est pas antisémite », a confirmé lundi après-midi une représentante anonyme de l’association étudiante Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes et Palestiniens. « Nous prenons toute allégation d’antisémitisme très au sérieux. »

Elle affirme que le document n’est plus affiché depuis « quelques jours », même si Ari Nahman, qui étudie à l’Université Concordia et qui est porte-parole de l’organisme Voix juives indépendantes, affirmait encore dimanche être « ici avec la permission des personnes kanien’kehà:ka » (mohawk).

Le 28 avril, un certain Stuart Myiow, « représentant du clan du Loup », a déclaré, en donnant l’impression de s’exprimer au nom du « peuple mohawk », « accorder le plein droit à ceux qui occupent McGill et d’autres campus de l’île de la Tortue à être sur ledit territoire ». La lettre en apparence officielle, portant un logo représentant la Confédération des Cinq-Nations iroquoises, avait été mise en valeur sur le campement.

Lundi, le conseil de bande de Kahnawake affirmait au Devoir qu’il n’y avait « aucune affiliation » entre lui et « le groupe autoproclamé “The Kanienkehaka Traditional Council of Kahnawake” représenté par Stuart Myiow ». « Les récentes déclarations de ce groupe ne reflètent pas les positions collectives de la communauté de Kahnawà:ke. »

« Bien que nous espérions sincèrement une résolution rapide et pacifique du conflit, nous ne pouvons pas nous immiscer dans des affaires qui ne sont pas les nôtres », a noté le conseil de bande.

Il demeure que la « Mère mohawk » Kahentinetha a réitéré lundi après-midi son soutien aux manifestants. La militante du clan de la Tortue (et ancienne porte-parole mohawk pendant la crise d’Oka) Ellen Gabriel s’est elle aussi déjà déplacée sur le campement.

Des propos négationnistes et complotistes

En direct de sa page Facebook, Stuart Myiow a déjà tenu des propos négationnistes, qualifiant la Shoah de « prétendu génocide », tout en se défendant d’être antisémite.

« Est-il trop farfelu de penser qu’il s’est passé exactement l’opposé de ce qu’on nous raconte sur la Seconde Guerre mondiale ? » a-t-il demandé lors d’une discussion sur l’existence des extraterrestres en juillet 2023. « Pensons à ça. Ceux qui prétendent avoir été victimes d’un génocide maintenant se retournent et font subir un génocide à d’autres personnes. Pensez-vous que c’est le comportement de personnes qui ont été victimes d’un génocide ? Non, ce ne l’est pas. C’est le comportement de manipulateurs, de manipulateurs d’esprit. »

Ses vidéos quasi quotidiennes ont véhiculé plusieurs théories du complot. M. Myiow y a accueilli notamment un sympathisant du « Convoi de la liberté », Frédéric Pitre, qualifié par un expert en radicalisation d’« assez connu de la complosphère ».

Il y a par ailleurs invité Carl Brochu, candidat en 2021 pour le Parti patriote. Ce rassemblement politique adepte de la théorie du « grand remplacement » affirme notamment sur son site Web que « l’immigration de masse » est une « destruction planifiée » par « l’ennemi canadianiste [qui] a toujours visé la disparition du peuple québécois ».

Au moment où ces lignes étaient écrites, Stuart Myiow n’avait pas répondu à nos demandes d’entrevue.

Des rencontres infructeuses

Des représentants du campement propalestinien à McGill ont rencontré lundi matin des membres de l’administration de l’Université afin de leur présenter leurs demandes, soit la rupture de ses liens avec des institutions basées en Israël et la fin des investissements dans des entreprises qui fabriquent des armes utilisées contre le peuple palestinien.Cette rencontre, qui faisait suite à une autre tenue la semaine dernière, n’a toutefois pas donné les résultats escomptés, ont indiqué des représentants des protestataires lors d’une conférence de presse tenue à 15 h sur le terrain de McGill. « Nous n’avons pas obtenu un échéancier concret par rapport au désinvestissement [réclamé] », a notamment indiqué Ari Nahman, porte-parole de Voix juives indépendantes.Dans ce contexte, les étudiants, qui en étaient lundi à leur dixième jour d’occupation, n’entendent pas démanteler leur campement, bien au contraire. « Actuellement, tant qu’on ne reçoit pas d’échéancier, on est ouverts à accueillir plus de personnes, que ce soit à l’extérieur du campement ou à l’intérieur », a indiqué Ari Nahman.

Avec Zacharie Goudreault et Florence Morin-Martel