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Matières organiques : cinq ans plus tard, les grandes leçons de la collecte

Il y a 6 heures
Modifié à
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

Nicolas Chaput assure que la majorité de la population, du moins dans la région du Roussillon, a adhéré à la collecte des matières organiques. (Photo: Gravité Média ‒ Michel Hersir)

Socrate disait : «ce qui fait l’homme, c’est sa grande faculté d’adaptation». Lorsqu’il a prononcé ses mots, le philosophe n’avait certes pas en tête l’implantation de la collecte des matières organiques. Et pourtant, après les craintes d’odeur, d’insectes ou de poubelles qui s’accumulent, la population s’est adaptée.

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Alors que la collecte a franchi le cap des cinq ans dans la majorité des villes de la Rive-Sud, l’adaptation est l’une des quatre grandes leçons que retiennent les instances.

Leçon 1 : ça fait peur, mais on s’adapte

Les craintes reliées à l’implantation de la collecte des matières organiques ont été nombreuses lors de son implantation. Et si la première année a parfois été compliquée, depuis, la collecte a plutôt bien été assimilée par les citoyens.

«Il y a eu une petite vague d’insatisfaction, mais pas d’enjeu majeur. Les citoyens, de façon générale, ont bien accepté la collecte. Ils étaient prêts, ils l’ont vu un petit peu ailleurs. Il y en a qui ne voulaient pas participer et ne participent pas aujourd’hui, mais ne sont pas offusqués plus qu'il ne le faut», indique Nicolas Chaput, directeur de la gestion des matières résiduelles et du développement durable à la MRC de Roussillon.

Lancée en 2019 dans la MRC de Roussillon, la collecte des matières organiques a été facilitée par l’acceptation des résidus verts, croit M. Chaput. On note toutefois une adaptation similaire dans les endroits où les résidus verts ne sont pas acceptés dans le bac brun.

«Beaucoup de citoyens qui étaient peut-être moins enclins au départ, se sont rendu compte que ça va bien et utilisent le bac brun de plus en plus», ajoute-t-il.

Leçon 2 : un effet direct sur la collecte de déchets

Ce qui est incontestable, c’est l’effet de l’implantation de la collecte des matières organiques sur les déchets envoyés à l’enfouissement.

En 2019, à la Ville de Longueuil, 72% (69 833 tonnes) des matières collectées étaient destinées à l’élimination et moins de 1% allaient dans le bac brun. Quatre ans plus tard, l’élimination est descendue à 60% (53 928 tonnes) des matières, contre 8% pour la collecte des matières organiques.

À la MRC de Beauharnois-Salaberry, entre 2018 – dernière année avant la collecte des matières organiques – et 2022, les sept municipalités ont en moyenne réduit leurs déchets domestiques enfouis de 61 kg par habitant, avec un pic à Salaberry-de-Valleyfield (91 kg par habitant de moins).

Nicolas Chaput note un effet similaire à la MRC de Roussillon, avec un petit bonus : une réduction sur l’ensemble des collectes.

«La bonne nouvelle, c’est que les citoyens, en général, produisent moins de matières résiduelles. Si on prend le bac de déchets plus celui de recyclage plus le bac brun, on génère moins de déchets qu’avant. On réduit nos déchets à la source», explique-t-il.

Cette réduction des ordures a d’ailleurs permis partout sur le territoire d’espacer la collecte de déchets. Dans la majorité des villes de la Rive-Sud, la collecte se fait aux deux semaines, et parfois même aux trois semaines comme à Saint-Lambert ou à l’hiver, dans la MRC Marguerite D’Youville.

Leçon 3 : le désir de traiter localement

Contrairement aux lieux d’enfouissement, on retrouve plusieurs projets pour traiter les matières organiques dans la région.

Déjà, depuis 2018, le Centre de biométhanisation de Varennes accueille les matières organiques de trois MRC de la Montérégie. Le centre s’est depuis agrandi pour y ajouter les matières de l’agglomération de Longueuil.

Les MRC de Roussillon et de Beauharnois-Salaberry avaient initialement le plan de construire une telle usine sur leur territoire, mais le projet a été abandonné. Les deux MRC se sont plutôt rabattues sur un projet de plateforme de compostage, prévu pour le début 2026 à Salaberry-de-Valleyfield.

La MRC Vaudreuil-Soulanges prévoit quant à elle un Centre régional de compostage, en zone industrielle à Coteau-du-Lac. Le début de l’exploitation est envisagé pour le printemps 2028. 

Leçon 4 : là où c’est plus compliqué

L’implantation de la collecte des matières organiques n’est pas terminée partout. Plusieurs endroits travaillent sur une implantation dans le multilogements. Mais là où c’est déjà amorcé, on note certaines difficultés.

À la MRC Marguerite D’Youville notamment, on observe que «c’est plus compliqué» dans le multilogements et ses employés iront à la rencontre de propriétaires/gestionnaires cet été.

Nicolas Chaput souligne qu’il reste encore quelques immeubles à desservir dans le multilogements, mais que les défis sont nombreux.

«Plus on augmente la taille des immeubles, plus de petits enjeux peuvent arriver», résume-t-il.

«Quand tu as un bac qui t’appartient, t’en prends soin. Mais 1 bac pour 30 personnes, par exemple, qui a mis les poubelles dans le bac brun? C’est difficile de l’identifier, donc il y a plus de contamination. Ça prend aussi quelqu’un pour nettoyer le bac ou l’amener au bord de la rue. Il y a un facteur socioéconomique, ce sont souvent des gens qui restent moins longtemps», énumère M. Chaput.

Quant à la différence entre les milieux urbains et ruraux, celui-ci se garde de faire des comparaisons.

«On collecte un petit peu moins de matières organiques par porte dans les secteurs agricoles, mais on s’est rendu compte que souvent, les gens en milieu agricole faisaient déjà leur compost pour leur jardin ou ils réutilisent des résidus alimentaires avec leurs animaux ou ils se font un tas de compost derrière la grange», mentionne-t-il.