Opinion

Parce que nous sommes en 2015

le mercredi 02 décembre 2015
Modifié à 0 h 00 min le 02 décembre 2015

Parce que nous sommes en 2015, les enfants aux besoins particuliers et leurs familles ne devraient-ils pas recevoir des services équitables du secteur public? Parce que nous sommes en 2015, un enfant autiste ne devrait-il pas recevoir les services lui permettant l’accessibilité à l’école sans avoir à remuer ciel et terre?

Depuis que mon fils est né, je revendique pour lui l’accès à des services. Rien n’est jamais simple. Tout moment de sa vie, toute transition est automatiquement reliée à une série de questionnaires à remplir, d’étapes supplémentaires à suivre et d’experts à consulter. L’entrée à l’école, le transport scolaire, l’accès à des camps de jour, l’accès aux services spécialisés comme le CRDI représentent des heures de démarches et d’étapes à respecter, avec une multitude de questionnaires à compléter et recompléter, de rapports à fournir et à refournir. Rien qu’à y penser, ça me donne la nausée.

J’en ai défoncé des portes, parce que ce n’est pas dans mon tempérament de reculer ou d’abdiquer. Alexandre a été évalué par le secteur public à la suite de multiples appels et démarches. Gratuitement? Oh que non! Les frais de chaque justification et démarche m’ont coûté une partie de ma santé mentale et physique. Je dois aussi préciser qu’il n’y a pas de dossier commun où sont déposés tous les questionnaires remplis. Ils sont dans chacun des bureaux consultés, dans des boîtes séparées. Jamais ils ne peuvent en sortir, et ce, malgré qu’ils soient dans le même établissement. Excusez mon sarcasme! Si au moins l’information recueillie dans chacun des questionnaires formels et informels permettait un suivi évolutif ou interdisciplinaire. Or, ce n’est pas le cas. Sommes-nous réellement en 2015?

Parce que nous sommes en 2015, je me demande encore comment il est possible que je ne puisse pas avoir accès à des services de répit et de gardiennage pour mon fils autiste? Que je ne puisse pas avoir une liste de personnes à contacter pour dépanner. Parce que pour l’instant, ce sont mes proches et amis qui assurent la relève du mieux qu’ils peuvent et en fonction de leur propre vie et responsabilités. Parce que pour vivre, imaginez-vous donc que je dois travailler, même si j’ai un enfant aux besoins particuliers.

Cet enfant, Alexandre, a 17 ans et ne cessera jamais d’être un enfant. Il va dans une école spécialisée et adaptée. Mais pas adaptée à ses conditions de vie en dehors de cette école. Le transport scolaire passe à 8h15 et revient le reconduire à 15h50. Le transport assure le service toujours du même point A au même point B et c’est à la famille de s’assurer qu’il y aura quelqu’un.

Ah oui! En passant, je cherche quelqu’un pour garder de 7h30 à 8h30 et de 15h45 à 16h45, à 12$ de l’heure. Rassurez-vous, j’ai fait tout ce qu’il fallait: travailleuse sociale du CLSC, organismes communautaires contactés, annonce sur le site web, et j’ai demandé aux gardiennes en milieu familial du quartier. Je cherche encore. Aucun service offert. Mais combien le besoin est réel! Parce que vous savez, la vie continue et ne m’épargne pas les autres stresseurs.

Je dois payer mes comptes comme tout le monde et ainsi travailler. Ma mère a combattu un cancer du sein l’an passé. Celle qui était mon appui premier est aujourd’hui fatiguée. J’ai d’autres enfants avec leurs besoins à eux. J’ai un conjoint (qui n’est pas le père) qui est très impliqué, mais qui, à défaut de me répéter, n’est pas le père, même s’il contribue depuis 9 ans dans son quotidien. Quant au père, il aide. Il vient deux matins par semaine depuis septembre 2015, en plus de son week-end sur deux. Même avec ses bonnes intentions, je suis la seule à avoir la garde… ou plutôt la charge.

Depuis qu’il est petit, je suis la seule impliquée à plein temps dans tous ses dossiers et qui s’assure que les services en place demeurent. Avoir la charge, ça ne résonne peut-être pas positivement, mais… c’est quand même ça. Une charge de savoir que partout où vous allez on vous envoie ailleurs. Sans services mais avec les mêmes besoins. Ce ne sont pas là des reproches à mon entourage… Avoir un enfant handicapé, c’est aussi pour la mère d’apprendre à vivre avec son deuil à elle de l’enfant rêvé et surtout, apprendre à vivre avec le deuil des gens qui l’entourent. Plusieurs solutions ont été envisagées. J’ai même pensé ouvrir une résidence de type familial. Je pourrais héberger des enfants aux mêmes besoins parce qu’on me paierait un montant X mensuellement pour rester à la maison et m’occuper d’eux… Un peu comme ce que fais actuellement, mais avec une allocation pour handicapés n’assumant pas ce qu’est la charge réelle des coûts par rapport aux besoins.

Parce que nous sommes en 2015, je pourrais demander à Anne-Marie d’Un souper presque parfait si elle a besoin d’un emploi maintenant. «Les handicapés, y’ont pas leur place dans la société, genre», a-t-elle lancé. Tous sont outrés. Mais elle a dit tout haut ce que le gouvernement et la société pensent tout bas… Et si on pouvait tous les envoyer dans un endroit à part…

Parce que nous sommes en 2015, je souhaite que mon fils ait des services adaptés, et ce, simplement et avec humanité.

Véronique Paquette,

La Prairie