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Cinq questions à Danielle McCann

le mercredi 03 mars 2021
Modifié à 14 h 17 min le 02 mars 2021
Par Audrey Leduc-Brodeur

aleduc-brodeur@gravitemedia.com

Le Reflet s’est entretenu avec la députée de Sanguinet et ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann. À l’approche du premier anniversaire du début de la pandémie, celle qui était en politique depuis deux ans à ce moment témoigne de la façon dont elle l’a vécue à titre d’ex-ministre de la Santé. Cela fera bientôt un an que la pandémie a chamboulé notre quotidien. Quel bilan en faites-vous ? Ç’a été un marathon. Travailler dans l’urgence complète, faire en sorte que la population soit protégée et maintenir les services de santé le mieux qu’on peut. Évidemment, on a vécu des choses extrêmement difficiles. Le décès de toutes ces personnes dû au coronavirus fait mal à notre société. Mais je pense qu’il y a de la lumière au bout du tunnel. Grâce au vaccin, et si on gagne la bataille contre les variants, on pourrait revenir à quelque chose de plus normal. Je ne crois pas toutefois qu’on puisse parler encore de la normalité d’avant la pandémie. Ça viendra bien plus tard. La pandémie a changé beaucoup de choses: la façon dont on travaille, étudie, donne des soins, entre autres. Je pense que certaines d’entre elles vont demeurer. La télémédecine restera. C’est une année exceptionnelle dont on se souviendra pour toujours. Certaines transformations sont pour le mieux… Je pense aussi. C’est sûr qu’on a vécu quelque chose de très difficile, mais je crois que ç’a forcé certaines accélérations. Avant la pandémie, j’encourageais les médecins à faire davantage de téléconsultations, à prendre le téléphone pour parler aux patients. Nous étions proches d’y arriver, mais les médecins ont embarqué rapidement quand la pandémie est survenue. Maintenant, c’est une façon de faire que nous utiliserons. Comme ministre de l’Enseignement supérieur, je pense aussi à l’enseignement à distance d’urgence. C’était déjà offert et on a pu bâtir là-dessus. Quand la pandémie sera derrière nous, on gardera des formations à distance dans certains contextes pour les gens qui ne peuvent pas se déplacer, par exemple. Mais c’est évident que la présence sur les campus sera préconisée pour la majeure partie des cours. Depuis quelques semaines, les étudiants retournent sur les campus au moins une fois par semaine. C’est une bouffée d’oxygène pour eux et leurs professeurs. Ils ont donné un effort extraordinaire pendant la pandémie. Qu’est-ce qui vous passionne dans le créneau de l’enseignement et quels sont les défis auxquels vous faites face ? Ce n’est pas banal, car les étudiants sont une grosse partie de l’avenir du Québec. Ce sont les leaders de demain. Je suis très contente de ce mandat. La réussite est notre priorité. On veut que le plus de jeunes possible aient accès à des études supérieures, car ça amène beaucoup à l’économie, la santé, l’éducation, l’innovation, la société, l’agroalimentaire, etc. La santé mentale de nos jeunes et l’université du futur sont aussi des chantiers de travail. Ce dont je suis particulièrement fière dans ma circonscription, c’est d’avoir autorisé l’ouverture du campus à Saint-Constant. On pourra bâtir là-dessus, car ça prendra de l’ampleur au fil des ans. Ça fera en sorte que nos jeunes n’auront plus à faire de longs trajets pour se rendre au cégep ou à l’université. Ça donnera une impulsion à l’économie de la Montérégie-Ouest. Vous venez d’abord du milieu de la santé et avez côtoyé de près les gens dans le réseau. Comment avez-vous vécu personnellement la pandémie ? Ç’a été d’une grande tristesse. Quand j’étais à l’avant avec le premier ministre et le directeur national de la Santé publique, c’était important d’être transparent et de montrer aux gens comment on a tout fait ce qu’on a pu pour protéger les aînés. On ne savait pas à l’époque que les personnes asymptomatiques pouvaient transmettre le virus. Il y avait aussi un manque de personnel important dans les CLSHD. Au pire de la pandémie en avril, 10 000 préposés étaient absents. Ç’a été extrêmement difficile. Évidemment, on se sent responsable de la situation et je peux vous assurer qu’on a travaillé très fort pour que les choses se passent le mieux possible. Mais on avait des conditions difficiles à cette époque. On y a remédié en ajoutant du personnel en transmission des infections et des préposés dans les CHSLD. Les compressions budgétaires du gouvernement précédent avaient fait très mal. Pourquoi avoir fait le saut en politique ?  Après 30 ans dans le milieu de la santé, je voyais les changements qui devaient être faits. Et il faut aller en politique pour qu’ils puissent se réaliser. Quand j’ai été approchée, j’ai pris ma décision en moins de 24 heures. J’étais à la retraite, mais je n’ai pas hésité. C’est pour ça que je reconnais que quand on veut vraiment faire des changements, il faut se lancer en politique. C’est la voie privilégiée. Je vous avoue que j’y avais quand même pensé avant, sans faire de démarches concrètes quand même.

Les femmes en politique

En marge de la Journée des femmes qui se tient annuellement le 8 mars, Danielle McCann estime qu’elle a toujours lieu d’être, «car il y a encore du chemin à faire». «J’ai une nouvelle perspective parce que je suis entrée en politique. Je m’aperçois que les femmes doivent prendre davantage leur place, explique celle qui concède qu’un grand bout de chemin a été fait dans les dernières années. C’est bon pour les hommes, pour la société en général et pour la démocratie.» La sexagénaire qui a fait ses débuts en politique en 2019 soutient que ses collègues devraient représenter 50% du pouvoir politique. Des perceptions quant à la conciliation travail-famille, notamment, perdurent, mais elles disparaîtront quand les femmes occuperont davantage de postes de gestion, note-t-elle. «Le message que je souhaite leur lancer, c’est faites-vous confiance. J’ai roulé ma bosse, j’ai été travailleuse, gestionnaire, PDG d’une agence de santé et de services sociaux, puis politicienne. Les femmes peuvent en faire autant, sinon plus dans certaines circonstances», souligne Mme McCann. Celle-ci fait remarquer que leur leadership revêt une couleur particulière. «Elles font preuve à la fois d’empathie et de fermeté, mentionne celle qui affirme avoir eu le soutien de son conjoint tout au long de sa carrière. Ce n’étaient pas des postes de 35 heures par semaine que j’occupais! Même quand j’ai fait mon MBA, j’étais enceinte de ma fille et il a été très conciliant aussi.»