Opinion

Billet d'humeur : J'ai raté ma carrière

le mercredi 28 octobre 2020
Modifié à 12 h 29 min le 27 octobre 2020
Par Hélène Gingras

hgingras@gravitemedia.com

Quel autre métier auriez-vous aimer pratiquer? Je regardais la télé l’autre soir. Et les participants à une émission devaient faire la roue allemande dans le cadre d’une courte prestation de cirque. Quelques-uns étaient apeurés. Assise sur mon divan, je les enviais de pouvoir vivre pareille expérience. Ç’a été plus fort que moi, j’ai spontanément lâché: «J’ai raté ma carrière». Tant j’aurais voulu être là. Pourtant, je ne regrette absolument pas mon métier. Que j’aime encore tout autant. J’ai dit ça sous le coup de l’émotion. Sans doute parce que je rêvais, toute petite, de travailler dans un cirque. À faire le clown. Une fantaisie, quoi! Parce que mes aptitudes athlétiques sont somme toute limitées. Je ne suis pas très élastique. Je manque de force dans les bras. Mon sens de l’équilibre est parfois défaillant. Il m’arrive de trembler un peu si je grimpe dans un poteau. J’envie les livreurs de courrier à vélo. Qui gardent la forme tout en travaillant. Bien que leurs conditions soient pénibles en hiver. Ainsi que les jours de pluie. Néanmoins, déambuler dans le trafic montréalais doit être un défi de tous les instants. Pour rester en vie. De nos jours, les études démontrent que les jeunes travailleurs vont exercer environ quatre à cinq métiers au cours de leur carrière. C’est une moyenne, parce que certains d’entre eux iront jusqu’à changer dix fois d’emploi ou plus. De journaliste à statisticien ou à soudeur, je l’ai vu chez d’anciens collègues. Le temps de la carrière unique est révolu. En ce sens, je fais figure de dinosaure. Idem pour un professeur ou un ouvrier qui prend sa retraite après 45 ou 50 années de service. Auprès du même employeur. Dans la même boîte. Ce n’est pas pour rien que ça fait les manchettes!
«À pratiquer plusieurs métiers, on ne réussit dans aucun.» -Platon
Et ces statistiques portant sur les changements de carrière, c’était avant la COVID-19. Parce qu’il est permis de se douter que ce foutu virus aura ruiné bien des plans. Imposé des changements de carrière. Ce, peu importe l’âge du travailleur. Parce que si c’est un privilège de pouvoir exercer un travail qui nous plait, peu de gens ont le luxe de se tourner les pouces en attendant de décrocher leur emploi d’avant. Ou de rêve. Parce qu’il faut mettre du beurre sur la table. Si j’avais travaillé dans un cirque, je serais au chômage en ce moment…